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10H52 - jeudi 14 janvier 2016

L’Indonésie et la COP21: un écran de fumée ?

 

Contradiction est un mot qui revient souvent à propos de cette immense nation qu’est l’Indonésie, quatrième pays le plus peuplé de la planète. L’archipel aux 18 000 îles est riche en contradictions, le sait et en joue. Cependant, le pays peut-il se permettre, alors qu’il éprouve plus que jamais les effets du réchauffement climatique, de ne pas s’empresser de monter dans le train déjà en marche ?

 

Les orang-outans disparaissent progressivement des forêts indonésiennes – Crédit photo : Joffrey Lapilus

Les orang-outans disparaissent progressivement des forêts indonésiennes – Crédit photo : Joffrey Lapilus

 

Entre volonté de développement économique et catastrophe écologique, le début de mandat du président « Jokowi », Joko Widodo, dont l’élection devait donner un nouveau souffle à cette jeune démocratie, n’a pas convaincu, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. À l’instar de sa politique économique et sociale, la politique environnementale de l’Indonésie et sa contribution à la COP21 semble être timide.

 

Flou sur la contribution de l’Indonésie à la COP21


Le pays s’engage à une réduction non conditionnelle de 29 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, alors que le président précédent Susilo Bambang Yudhoyono s’était déjà engagé à Copenhague en 2009 à les réduire de 26 % d’ici à 2020. Le gouvernement ne précise pas, de surcroît, quels secteurs seront visés par les réformes nécessaires à la réalisation de cet objectif.

Le plan énergétique 2015-2019 est, lui, en revanche bien connu et ne présage pas de grands efforts en terme de développement durable dans le mix énergétique indonésien.

L’Indonésie compte beaucoup sur l’aide internationale pour améliorer l’efficacité de ses infrastructures, permettre des transferts de technologie et en financer une partie. Seulement, pour pouvoir effectivement profiter du fonds annuel de 100 milliards de dollars, le pays devra se soumettre à certaines exigences qui pourraient, in fine, amorcer un changement dans la politique environnementale et énergétique indonésienne.

 

L’Indonésie en première ligne des effets négatifs du réchauffement climatique.


Ce faible engagement dans la lutte mondiale contre le changement climatique paraît surprenant à la vue de la situation de l’Indonésie. En effet, l’archipel reste l’une des zones de forêts tropicales les plus étendues monde au côté du Brésil et du bassin du Congo. Nécessaires pour l’équilibre climatique mondial, ces forêts abritent également une faune et une flore uniques. De plus, la nature et la forme du territoire ont engendré l’établissement de cultures et traditions riches et diverses.

La déforestation, notamment par les incendies, ainsi que la montée du niveau des océans mettent en danger tous ces écosystèmes. Et au-delà, la population.

Ainsi, autour de 40 millions de personnes vivent à moins de trois kilomètres des côtes. Les principaux pôles économiques du pays sont également en première ligne : environ 40 % de la capitale, Jakarta, est située au-dessous du niveau de la mer.

Nous l’aurons compris, le réchauffement climatique peut et va certainement et modifier le pays de façon irrémédiable et profonde.

 

Lutte contre la déforestation : élément clé de la réduction des gaz à effet de serre

Au moins 500 000 cas de maladies respiratoires attribuées aux feux de forêt de cette année 2015 – Crédit photo : The News USA / Flickr CC

Au moins 500 000 cas de maladies respiratoires attribuées aux feux de forêt de cette année 2015 – Crédit photo : The News USA / Flickr CC

Ces menaces directes n’ont pourtant pas l’air d’influer pour l’instant sur la gestion du pays. Par exemple, celle des incendies qui ravagent chaque année depuis plusieurs décennies les forêts de l’archipel. Contrairement à la perception qu’en a la majorité de la population locale, ces feux dévastateurs sont des catastrophes liées non pas à la sécheresse (bien que cela puisse amplifier le phénomène), mais à l’homme. En effet, afin de dégager de la surface agricole cultivable, les multinationales agricoles, en particulier l’industrie de l’huile de palme, n’hésitent pas à payer des « locaux » pour allumer les feux.

L’année 2015 a vu l’un des épisodes les plus sombres dans ce domaine depuis de nombreuses années. Ces feux de forêts qui détruisent des millions d’hectares de forêt tropicale produisent également une épaisse fumée, hautement nocive pour la faune locale et, bien sûr, la population. Au cours des derniers mois uniquement, près d’un demi-million d’indonésiens en aurait été affectés.

En 2015, les incendies de la partie occidentale de l’Indonésie ont émis à eux seuls plus de gaz à effet de serre que l’Allemagne en un an. Et pourtant rien n’est entrepris pour faire cesser ces pratiques.

 

La société civile a son rôle à jouer


Pour exercer des pressions sur le gouvernement et défendre son patrimoine naturel, la société civile indonésienne aurait besoin de mobiliser ses forces. Cependant, la majorité des Indonésiens ne sont que très peu conscients des causes et des effets du réchauffement climatiques. Seuls les journaux anglophones de Jakarta couvrent ce sujet régulièrement, mais ils ne sont lus que par une minorité de citadins aisés.

Les ONG et les groupes d’actions locaux misent donc sur l’éducation de la population pour faire progresser la conscience environnementale collective et forcer les futurs gouvernants à une meilleure gestion écologique du pays.

 

Joffrey Lapilus