Comment envisager la ville sans voiture ? Alors qu’Anne Hidalgo poursuit ses efforts de piétonisation, Oslo entend bannir entièrement les voitures du centre-ville d’ici 2020.
Après avoir été un symbole de liberté, la voiture s’est progressivement transformée en emblème de pollution et de dérèglement climatique… Alors qu’en France, le projet de la maire de Paris Anne Hidalgo d’interdire les voitures sur un tronçon de la rive droite d’ici 2020 fait déjà l’effet d’une mini-révolution, on s’apprête à prendre à Oslo une mesure encore plus audacieuse : la nouvelle coalition de centre gauche élue aux élections législatives a annoncé au mois d’octobre sa volonté de bannir toutes les voitures du centre-ville d’ici 2019.
Deux ans après avoir interdit la circulation en voiture sur la rive gauche sur près de 4,5 hectares entre le pont Royal et le pont de l’Alma, Anne Hidalgo présentera au prochain conseil municipal un nouveau projet de piétonisation qu’elle décrit elle-même comme « radical » : évalué à un coût de 8 millions d’euros, il interdirait la circulation sur 3,3 kilomètres de la voie Georges-Pompidou (13 km au total), dans les arrondissements centraux entre le tunnel des Tuileries face aux jardins et le bassin de l’Arsenal, près de la Bastille, tandis qu’un tramway permettant de traverser la ville d’ouest en est serait installé d’ici 2020 sur la rive droite. La mairie avait également organisé une journée sans voitures le 27 septembre dernier.
Le projet de Paris ne fait cependant figure que de demi-mesure en comparaison de celui d’Oslo, interdisant les voitures en centre-ville presque aussi subitement que totalement. Certes, les deux capitales ne sont pas comparables en termes de superficie : dans la zone à l’intérieur du périphérique où seront interdites les voitures à Oslo ne résident qu’un bon millier d’habitants, selon le journal Verdens Gang (VG). En revanche, près de 90 000 personnes y travaillent. L’interdiction entraînera donc une modification profonde du quotidien et de l’espace urbain, selon des modalités qui n’ont pas encore été arrêtées.
De plus en plus de mesures dissuasives analogues visant à une diminution du nombre de voitures en centre-ville sont prises dans les grandes capitales européennes: Bruxelles a inauguré fin juin 22 hectares supplémentaires de zone piétonnière autour de la zone de 28 hectares dite Unesco, piétonne de longue date : la capitale belge s’est ainsi dotée d’une des plus grandes zones piétonnes d’Europe. Copenhague a pour objectif d’ici la fin de l’année d’atteindre 50% de personnes accomplissant leur trajet domicile-travail à vélo. La ville comporte déjà 497 kilomètres de pistes cyclables, selon le Figaro, en plus « d’autoroutes cyclables » la reliant aux villes voisines. Plus modestement, Madrid inflige depuis janvier 2015 une amende de 90 euros aux automobilistes non-résidants qui circulent dans les quatre quartiers les plus centraux de la ville, à moins qu’ils n’aient une place réservée dans l’un des 13 parkings officiels.
Le projet d’Oslo représente une décision politique forte, visible, et entraîne une réelle transformation du quotidien dans un temps très court, à l’image des décisions qu’on espère voir être prises à la COP21. La capitale entend ainsi respecter son objectif de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d’ici 2020.
Mais l’annonce inquiète cependant déjà de nombreux commerçants du centre-ville, qui redoutent un ralentissement de leur activité économique. Ce bel élan d’interdiction des voitures dans les capitales ne doit pas faire oublier que dans les petites ou moyennes villes moins dynamiques, ou les transports en commun sont généralement moins performants, on tend à accomplir le chemin inverse : à Saint-Etienne, le maire Gaël Perdriau a rouvert la circulation aux voitures dans certaines zones piétonnes en début d’année. Il s’agit donc d’imaginer de nouveaux plans d’urbanisme appropriés aux villes de toutes les échelles, mais aussi d’essayer de voir plus loin que les désagréments et les intérêts immédiats : le débat autour de l’interdiction de la voiture symbolise bien les efforts et les évolutions qui doivent avoir lieu dans les mentalités afin de rentrer dans une véritable ère de changement.