2016 sera-t-elle une nouvelle année placée sous le signe de la laïcité à Paris ? La Mairie a pris en fin d’année de nouvelles mesures afin de mieux faire respecter au sein des services publics ce principe fondateur de la République, selon la Constitution de 1958. Dans le même temps a été inaugurée la « place de la laïcité » dans le 15e arrondissement.
La laïcité, garante de nos libertés individuelles. C’est beau sur le principe, dans la vie de tous les jours, certaines situations concrètes peuvent rendre les choses plus compliquées, surtout dans les services publics. Que dire à une conductrice de bus ou à un employé de ménage qui s’isole pour faire ses prières dans les locaux ou sont stockés les produits d’entretien ? A une agent de propreté qui remet son voile alors qu’elle travaille seule sur la voie publique ?
Le guide pratique de la laïcité établi par la mairie de Paris, en partenariat avec l’Observatoire parisien de la laïcité ainsi que certaines directions syndicales de la Ville, rappelle les exigences de neutralité au sein des services publics- partant du principe que l’ancienne circulaire administrative et la « Charte de la laïcité » en vigueur ne répondaient pas à certaines situations concrètes.
Préparé bien avant les attentats, ce document sera distribué dans les six prochains mois auprès de 5600 cadres des services publics afin de les guider dans la gestion de situations où la loi pourrait sembler laisser une place au doute. Lorsqu’une personne se montre vindicative sur les questions religieuses lors d’un entretien d’embauche, lorsqu’un employé demande plusieurs congés pour célébrer des fêtes religieuses, lors du port de signes religieux ostentatoires… Autant de situations qui ne sont pas forcément très graves à l’origine, mais qui nécessitent de rappeler clairement les règles dès le début afin de ne pas se retrouver à faire des concessions de plus en plus importantes qui, « à terme, peuvent poser de réels problèmes », selon l’adjoint aux Ressources humaines de la mairie, Emmanuel Grégoire.
Ni trop ni pas assez : vers une « juste mesure » laïque ?
Les sanctions pour les employés enfreignant les règles de neutralité vont du blâme au conseil de discipline. Pour autant, il n’y a, selon Emmanuel Grégoire, guère lieu de dresser un portrait choc du viol de la neutralité religieuse au sein des services public, bien que la RATP ait fait l’objet d’une polémique à ce sujet après les attentats de novembre. Le document réaffirme l’importance du dialogue qui permettrait de résoudre la plupart des cas sans que la situation ne devienne conflictuelle.
« Le but est de lutter aussi bien contre les excès de tolérance que contre les excès de zèle inappropriés », poursuit l’adjoint aux Ressources humaines : par exemple, s’il est interdit aux chauffeurs de bus de porter des signes ostentatoires de leur religion, il est également interdit de refuser l’accès à une passagère parce que celle-ci porterait le voile. Des formations destinées aux encadrants sont également en cours en ce moment, parallèlement à la distribution de ce document.
Une « place de la laïcité » pour se rassembler, débattre et réfléchir…
Mais avant d’avoir à gérer le fait religieux en entreprise, il est avant tout primordial pour la Ville de réaffirmer cette valeur dont la pérennité est de plus en plus remise en question dans les circonstances actuelles. C’est dans le but de la promouvoir, de la matérialiser, mais aussi de laisser de l’espace au débat qu’a été inaugurée le 9 décembre la nouvelle « place de la laïcité » en la première journée nationale dédiée à la réaffirmation de ce principe, alors même que nous fêtons le 110ème anniversaire de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Située dans le 15ème arrondissement, à côté du parc André Citroën, la place de la laïcité n’est autre que l’ancienne place dite du « parking de l’Horloge », entièrement revisitée. Avec sa surface végétalisée, son « mur d’expression » sur lequel chacun peut écrire un message, ses étagères remplies de livres d’Helmut Kohl ou de Lech Walesa mis librement à la disposition des passants, elle doit inviter à réfléchir et à échanger sur le sens et les fondements des valeurs de la République française, à repenser la laïcité comme ferment et non comme négation de libertés. Afin de poser la laïcité, « non pas comme une exception culturelle à la française », comme l’a affirmé la maire Anne Hidalgo lors de l’inauguration de la place, mais comme « notre langue vivante universelle ».