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17H03 - jeudi 21 janvier 2016

Dictature thaïlandaise, l’Europe ouvre les yeux

 

L’Europe serait-elle en train d’ouvrir les yeux sur les multiples violations des droits de l’homme dont la junte militaire thaïlandaise se rend responsable depuis bientôt deux ans ?

Coup d'état en Thaïlande - Crédit photo : Takeaway - Wikimedia Commons

Coup d’état en Thaïlande – Crédit photo : Takeaway – Wikimedia Commons

C’est en tout état de cause ce que laissent penser les récentes déclarations des eurodéputés Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, et Werner Langen, président de la délégation pour les relations avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Dans un communiqué diffusé le 8 décembre, les deux députés européens se sont déclarés « surpris et profondément déçus » par la décision des autorités thaïlandaises d’interdire à Yingluck Shinawatra, ex-Premier ministre du pays, de se rendre à Bruxelles ou Strasbourg pour échanger sur l’évolution politique de la Thaïlande.

Depuis sa prise du pouvoir en mai 2014, suite à un énième coup d’État, la junte militaire mène une politique extrêmement contestée et liberticide. Sous prétexte de redresser une situation économique fébrile et une population qu’ils considèrent « décadente », les militaires s’octroient le droit de juger leurs prédécesseurs. C’est ainsi que l’ex-premier ministre Yingluck Shinawatra a été mise en examen et devra répondre des accusations de négligence dans le programme de subvention du riz mis en place pendant son mandat. Madame Shinawatra sera officiellement jugée par la Cour suprême thaïlandaise en janvier 2016 et risque dix ans de prison.

 

Pendant ce temps, la situation politique et sociale ne cesse de se dégrader en Thaïlande. Les droits de l’homme sont piétinés par le régime militaire, les télévisions censurées, les journalistes muselés, les hommes et les femmes politiques réduits au silence et les citoyens risquent la prison à tout moment, accusés parfois des crimes les plus absurdes. Récemment, par exemple, l’auteur d’un graffiti a été condamné à plusieurs années de prison ferme, un internaute arrêté pour avoir partagé sur les réseaux sociaux un graphique sur la corruption de la junte militaire, et une troisième personne a été inculpée de crime de lèse-majesté pour avoir « liké » sur Facebook une image jugée offensante pour le roi de Thaïlande.

Ce crime de lèse-majesté, il est curieusement de plus en plus courant au pays du sourire. Or, la presse généraliste traite ces délits dans ses rubriques faits divers et suppose par principe tous les suspects coupables. Mais une journaliste du journal anglophone en ligne Prachatai, Mutita Chuachang, s’est imposée comme référence dans la couverture précisément des procès en « lèse-majesté » tant ils sont nombreux ces dernières années. Et elle s’est vu pour son travail décerner en octobre dernier le prix Kate Webb 2015, créé par l’AFP. Petit hic, il lui est interdit de rapporter dans ses articles les propos reprochés aux prévenus… sous peine d’être elle-même accusée de crime de lèse-majesté.

 

Des pratiques liberticides insolentes

C’est dans ce contexte que les deux eurodéputés ont souhaité rencontrer Yingluck Shinawatra. « La commission des Affaires étrangères du Parlement européen et la délégation pour les relations avec l’Anase s’inquiètent et suivent de très près l’évolution de la situation politique en Thaïlande », ont-ils écrit dans une lettre adressée à Nopadol Gunavbool, ambassadeur thaïlandais auprès du Parlement européen. « Habituellement, nous adressons nos invitations directement à la personne concernée, sans passer par les canaux gouvernementaux. Nous sommes cependant heureux de vous faire part de la lettre d’invitation que nous avons envoyée à Mme Shinawatra », ajoutent-ils. Les eurodéputés ont donc fait preuve de prudence et d’un fin sens diplomatique. Est-ce une façon d’avancer sur le dossier thaïlandais tout en évitant de froisser les pouvoirs militaire et royal ? Cela est d’autant plus plausible que l’Union européenne a été largement critiquée pour son silence face à la situation thaïlandaise. Pourtant la junte militaire ne semble pas souhaiter rendre la politesse aux eurodéputés. Sa réponse a été seulement de leur signifier que Mme Shinawatra n’est pas autorisée à quitter le pays, car appelée à comparaître devant les juges.

 

Ainsi la junte militaire s’enfonce-t-elle dans ses positions jusqu’au-boutistes, s’appuyant sur une presse obéissante qui est allée jusqu’à interroger l’authenticité de l’invitation de Mme Shinawatra alors que le Parlement européen l’a non seulement confirmée mais aussi renouvelée, déplorant même de ne pouvoir s’informer librement de la situation des hommes et femmes politiques de l’opposition en Thaïlande.

La réponse du pouvoir thaïlandais pourrait avoir au moins ceci de positif : réveiller enfin les consciences en Europe en démontrant aux sceptiques que la Thaïlande est bel et bien, aujourd’hui, une dictature.

 

Damien Ledoux

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