Lancée il y a bientôt deux ans, l’association FARR rassemble des Franco-algériens forts de leur double héritage, se réclamant autant de leur culture familiale que des valeurs et principes républicains français fondamentaux. Il s’agit pour ces hommes et femmes d’améliorer leur image, d’encourager l’intégration et, par la pédagogie, d’aider à l’apaisement de la société française.
Entretien avec Ferial Furon, docteur en pharmacie et fondatrice de l’association. Ayant grandi à Alger et fait sa scolarité au lycée français Descartes, elle a étudié à l’université René Descartes de Paris. Passionnément Parisienne, elle vit et travaille dans la capitale française.
D’où vous est venue l’idée de fonder cette association ?
En tant que Franco-algérienne, je sentais confusément monter un malaise depuis quelques années. Et un soir, à la télévision, j’ai entendu un philosophe affirmer que la France était judéo-chrétienne. Ça m’a fait bondir. Cette définition, de facto, exclut les musulmans. Je me suis dit qu’il était temps de réagir. Je ne veux pas laisser une France pareille à mes enfants. Mon mari est catholique, je suis musulmane, il est possible de vivre ensemble. Encore faut-il y travailler, rassembler.
Dans la présentation de votre association, vous parlez de valeurs et de parcours communs à tous les membres de l’association, de quoi s’agit-il exactement ?
Notre socle commun pourrait se résumer à la devise « liberté, égalité, fraternité », avec la culture musulmane. D’une part, nous sommes imprégnés des philosophies des Lumières, de ces valeurs qui nous ont été transmises, à travers nos parents pour ceux qui ont eu la chance d’accéder à l’école républicaine. D’autre part, nous portons nos racines algériennes, c’est-à-dire des traditions particulières et une sensibilité conditionnée par notre histoire. Au niveau religieux, par exemple, les Algériens dans leur majorité sont de rite malékite. C’est un islam tranquille, presque maraboutique, qui n’a rien à voir avec le salafisme, importé du Moyen-Orient. C’est important de le savoir et de le faire savoir.
Quels sont vos objectifs ?
Il y a les objectifs pédagogiques. Nous voulons aller vers ces jeunes qui posent des problèmes, notamment dans les quartiers délaissés socialement. Ils considèrent la laïcité comme une arme anti-islam. Et il est vrai que les mesures qu’on tente d’imposer aujourd’hui comme la suppression des menus de substitution dans les cantines, ou l’interdiction du voile dans les universités, cette « laïcité de combat » conforte les jeunes dans cette vision, et les radicalise. Il faut expliquer la laïcité, raconter sa construction, en rappeler les fondements universalistes justement.
D’autre part, entre la France et l’Algérie, il est temps de tourner la page pour entamer ensemble un chapitre plus positif. Nos deux pays au fond combattent sur le même terrain.
Vous remettez mardi 2 février les Trophées de la réussite à six Franco-algériens méritants. Pourquoi ces Trophées ?
Nous avons voulu mettre le projecteur sur d’éminents Franco-algériens au parcours remarquable pour corriger l’image de notre communauté, présentée le plus souvent, comme mal intégrée et « dysfonctionnante ». Nos lauréats ne sont pas tous issus de classes favorisées. Ils ont travaillé dur pour arriver où ils sont. Leur réussite est source d’espoir pour les nouvelles générations qui souffrent encore de discriminations. Les Algériens sont, les statistiques le montrent, plus discriminés que les autres Maghrébins par exemple. Encore le poids de l’histoire !
Comment ne pas vous demander votre position sur la déchéance de nationalité ?
Je pense que cette mesure est inopérante. Les terroristes qu’elle vise ne seront pas dissuadés. En revanche, les binationaux comme moi en sont blessés. Le problème n’est pas la déchéance de nationalité en soi, mais la différence instaurée entre les binationaux et les autres. Personnellement, je penche pour l’idée d’indignité nationale.
Pour aller plus loin : le site de FARR