Mariana Yegros, chanteuse star du groupe éponyme La Yegros, emmène Opinion Internationale dans les coulisses du concert qu’elle a donné vendredi dernier dans sa ville natale, à Buenos Aires.
Issue de la scène alternative des années 2000 en Argentine, Mariana Yegros a fait le pari musical de mélanger les genres emblématiques du patrimoine culturel latino-américain aux sonorités actuelles. Après de nombreuses tournées en Europe et particulièrement en France où elle vit depuis un an, Mariana Yegros retourne sur ses terres d’origine pour un passage-éclair. Entre deux répétitions, celle que l’on surnomme désormais « la reine de l’électro-cumbia » revient avec nous sur son succès et ses nouveaux projets. Une rencontre qui incite à transcender les frontières des territoires et des cultures.
Mariana, tu arrives tout juste de Montpellier où tu t’es installée après avoir largement conquis le cœur des Français, comment expliques-tu un tel succès auprès d’un public dont la cumbia ne coule a priori pas dans les veines ?
Vraiment, je n’ai toujours pas trouvé d’explication logique mais en même temps je ne la cherche pas (rires) ! J’ai été agréablement surprise de trouver un tel accueil en arrivant en France. Loin de nous sentir ambassadeurs de la culture argentine ou latino-américaine, nous sommes en tout cas ravis, avec mes musiciens, de pouvoir partager notre culture à un public si réceptif. Sans connaître toujours le sens des paroles ou même la spécificité d’un rythme tel que le chamamé (ndlr genre musical du littoral argentin, dans la Province de Corrientes), les gens entrent rapidement en connexion avec l’univers sonore qui est le nôtre et se l’approprient en dansant. Plus qu’un rapport cognitif, c’est une relation sensorielle que l’on tente d’instaurer. D’ailleurs, l’une de nos chansons s’appelle « laisse-toi entraîner… », elle est en ce sens totalement en accord avec notre démarche : faire en sorte que les gens n’intellectualisent pas ce qu’ils écoutent mais plutôt qu’ils le vivent. Selon moi, c’est comme ça que l’on sera au mieux capable de transmettre et, eux, de nous donner en retour.
Les nouvelles rencontres que tu as pu faire hors du territoire argentin ont-elles une influence sur ton identité musicale ?
Il me semble que notre style n’a pas changé depuis la première tournée en 2013 pour l’album « Viene de mi ». Cet album et son hit (ndlr : la chanson « Viene de mi » avait été sacré « tube de l’hiver » sur les ondes de Radio Nova en 2013) s’inséraient dans l’univers de la cumbia nationale d’Argentine. Le nouvel album « Magnetismo » explore, lui, plutôt des éléments de folklores régionaux comme le carnavalito ou la murga. Mais, dans les deux cas, on retrouve notre volonté de puiser dans le répertoire musical argentin traditionnel pour en faire émerger un son plus contemporain, autour d’ambiances électroniques. Nous tenons à maintenir une signature musicale, ce qui passe aussi par le fait de garder la même équipe. King Coya (nldr : DJ, beatmaker de La Yegros) ou encore Daniel Martin (ndlr : compositeur) nous accompagnent depuis le début. Les musiciens n’ont pas changé non plus car il est essentiel, pour nous, de former une troupe. Alejandro Franov, l’accordéoniste, est un musicien incroyable avec qui j’avais l’habitude, déjà à Buenos Aires, de composer et d’expérimenter, et qui est devenu l’un des piliers de La Yegros une fois le groupe formé.
Pourtant il est certain que les expériences musicales que l’on vit depuis quelques années, sur les routes et dans les salles de concert, ont eu un impact positif, sur notre travail. Au noyau dur des musiciens historiques, viennent se greffer des collaborations intenses et riches comme celle que nous avons réalisée avec Chinese Man en France pour leur album « The Groove Sessions, Volume 3 » ou encore avec le groupe new-yorkais Brazilian Girls. Se sont autant d’influences qui viennent nourrir notre musique. C’est ce que nous souhaitions mettre à l’honneur dans notre dernier disque qui regorge de featurings avec des artistes invités.
Le nouvel album de La Yegros va sortir courant mars sous le nom de « Magnetismo » (« magnétisme » en français), a quoi cela fait-il référence ?
J’ai souhaité l’appeler « Magnetismo » en hommage à notre public. Depuis la diffusion de la chanson « Viene de Mi » sur internet et ensuite la réception de tout l’album, il s’opère, je crois, une sorte de magnétisme entre le groupe et notre public. Plusieurs fois en sortant d’un concert nous nous sommes retrouvés, avec les musiciens, dans les loges, totalement ébahis par le moment partagé avec les spectateurs. Chacun de nous pouvait témoigner avoir senti une énergie particulière nous unissant au public. Le magnétisme opérait, même avec des individus d’un autre pôle de la planète. Ce sont ces moments forts qui nous ont permis de nous projeter plus loin. Et puis, « Magnetismo » est aussi un appel à l’unité. Il décrit un phénomène mu par une force d’attraction qui permet de faire confluer deux aimants dispersés, vers la même direction. Il nous rappelle qu’au-delà de nos différences et nos particularismes, nous pouvons nous rassembler.
Pour aller plus loin :
Documentaire « Un voyage musical », Pablo Mensi, ZZK Films. Un film qui vous emmène sur les pas du groupe La Yegros lors de leur première tournée en Europe.
– En accès libre sur Youtube : version originale sous-titrée anglais, VOSTFR à venir.