En posant les pieds en Israël Palestine, on apprend que « les bons murs font les bons voisins ». Pourtant personne n’y est d’accord ni sur les frontières ni sur les nationalités, à se demander qui de qui est le voisin.
L’ONU définit Israël à l’Ouest de la ligne verte qui séparait Israël et la Jordanie entre 1949 et 1967 ; la Palestine à l’est de cette dernière ainsi qu’à Gaza.
À Jérusalem, on distingue Jérusalem-Est à l’est de cette ligne, du reste de la ville. Conquise en 1967 par Israël, Jérusalem-Est est revendiquée par les Palestiniens comme la capitale de la Palestine et par les Israéliens comme partie intégrante de leur territoire. La majorité des habitants de cette zone se revendiquent Palestiniens.
Les accords d’Oslo signés à Washington en 1993 par Yasser Arafat et Itzhak Rabin définissent légalement trois zones en Israël Palestine : une zone A sous totale autorité palestinienne, une zone B sous autorité palestinienne mais avec une présence israélienne assurant la sécurité et la lutte contre le terrorisme ainsi qu’une zone C sous contrôle entier d’Israël. On observe pourtant une présence ponctuelle de l’armée israélienne en zone A comme en zone B, parfois d’accord avec les forces palestiniennes.
Sur ces territoires habitent au moins des identités de fait. Israël Palestine abrite des citoyens israéliens et des citoyens palestiniens. Des citoyens israéliens, on distingue trois nations d’origine : des Juifs, des Arabes chrétiens ou musulmans et des Druzes. Les citoyens palestiniens sont tous Arabes, chrétiens ou musulmans. On peut ainsi être par exemple Arabe israélien ou chrétien Palestinien.
Dans cette mosaïque d’identités s’active une multitude de prises de positions sur la zone de tensions la plus médiatisée du monde. La bipolarité du conflit est un mythe, puisqu’il y a autant d’Israéliens en faveur d’une solution à deux États que de Palestiniens activistes de paix… et que souvent la jeunesse des uns retrouve celle des autres autour d’un verre à Ramallah.
Une initiative rend bien compte de cette complexité : Visit Hebron. Mise en place par l’organisation palestinienne Volunteering for Peace, cette exploration d’Hébron mobilise deux guides : un Palestinien et un Israélien. Chacun d’eux fait visiter la partie de la ville qui lui est accessible. Hébron a en effet la particularité d’être divisée entres les deux « territoires ». Le touriste qui s’y aventure passe un check-point tous les 100 mètres. Le Palestinien qui y vit ne peut pas traverser toutes les rues de peur de se retrouver de l’autre côté en territoire israélien. L’Israélien y habite dans une colonie barricadée et entourée de barbelés, perpétuellement protégée par l’armée israélienne à raison de trois soldats par citoyen. Le voyageur a ainsi l’occasion d’échanger avec les Palestiniens du marché et les Israéliens des colonies, encadré par deux accompagnateurs très connaisseurs des lieux et il ressort de la visite avec une invitation à se faire sa propre opinion. Dans cette partie du monde, le tourisme revêt des enjeux éminemment politiques cruciaux dans la construction de la paix, puisque l’enlisement du conflit est aussi entériné par la communauté internationale. Nous en ressortons l’esprit façonné par ce tourisme à vocation de construire l’esprit critique.
Dans ces regards croisés, nous sommes allés à la rencontre des leaders religieux de tous bords qui tiennent inlassablement leurs espoirs de paix au-dessus des armes. L’organisation Rabbis for Human Rights réunit tous les ans une délégation de rabbins qui s’en vont main dans la main former des cercles humains de protection autour des Palestiniens pendant la saison des oliviers, dont la récolte est très précieuse pour ces derniers. Les Palestiniens, qui, surtout près des colonies israéliennes, ont coutume d’être perturbés durant cette pratique, se trouvent alors protégés par des rabbins, qui eux-mêmes sont mis en sécurité par l’armée israélienne dont le devoir est de protéger lesdits rabbins.
Nous avons également remarqué l’initiative prise par la communauté chrétienne de construire des écoles dans les territoires palestiniens pour pallier leur manque de structures éducatives. La custodie franciscaine siégeant à Jérusalem tient ainsi des écoles dont le corps étudiant est majoritairement musulman puisque proportionnel à la minorité religieuse que ces derniers représentent. Ils éduquent ainsi dans un cadre plus laïque que ne l’est l’enseignement juif qui, financé par le gouvernement israélien, intègre une composante religieuse. Les élèves des franciscains sont amenés à se côtoyer au quotidien et à apprendre ensemble. La custodie participe ainsi à consolider la réalité palestinienne dans laquelle ses habitants sont à l’épreuve de son enclavement, de la faiblesse de son économie et de son instabilité politique.
Au-delà des murs, certains chrétiens, juifs, musulmans et druzes continuent à se rapprocher autour de leurs espoirs de paix.
Léa Frydman