Le Sénégal compte 14,1 millions d’habitants, dont une grande majorité, 94 %, est musulmane. Les 6 % restants sont chrétiens, animistes ou de religions indigènes. La présence chrétienne remonte au xve siècle, lors de l’arrivée des premiers Portugais dans le pays. Ces derniers occupent de nombreux territoires, revendiquant leurs conquêtes avec la religion : le Sud du pays par exemple est alors contraint de se christianiser.
Aujourd’hui encore, cette partie du pays est l’un des noyaux du christianisme et certains enfants de familles animistes ont des noms chrétiens ou portugais.
Les Français et les Anglais succèdent aux Portugais au xviie siècle, avant que le traité de Paris donne le Sénégal à la France en 1814. Après la Révolution, la colonisation française est d’abord administrative, économique et non religieuse puisque la prise de la Bastille s’accompagne de l’abolition des privilèges ecclésiastiques, de l’affirmation de la liberté de conscience et de l’égalité des droits telle que définie dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Le Sénégal est toujours un état laïc, qui promeut de manière exemplaire pour la région d’Afrique de l’Ouest, la liberté religieuse et une grande tolérance. L’islam et le christianisme pratiqués sont souvent mêlés aux croyances locales et à l’animisme. La communauté musulmane, majoritairement sunnite, comprend différentes congrégations : mouride, layène et tidjane.
L’importance du dialogue islamo-chrétien est mis en avant dans cette coexistence. À la grande cathédrale de Dakar, nous avons rencontré l’abbé Jacques Seck, pionnier de l’interreligieux dans son pays. « La moitié de ma famille est musulmane » nous dit-il tout d’abord, soulignant que c’est le cas de beaucoup de familles sénégalaises. Il parle arabe et ponctue souvent ses arguments de versets coraniques. Il est parfois même affectueusement qualifié de « prêtre musulman et imam chrétien ». L’abbé travaille activement avec toutes les autorités religieuses musulmanes du pays, aidant à financer la construction de mosquées et en appelant aux imams lorsqu’il récolte des fonds pour ériger des églises. Il rend visite à toutes les communautés lors des jours de fêtes et invite ses compatriotes de toutes confessions à Noël, qui, dans de nombreuses familles, se fête à la viande halal et accueille les voisins musulmans.
Enda tiers monde, qui lutte contre la pauvreté et en faveur du développement du Sénégal, travaille main dans la main avec les autorités religieuses des villages à l’éducation de la jeunesse, l’autonomisation des femmes, l’énergie et le climat. Bachir Kanoute, architecte de formation, nous explique que, dans le remaniement architectural des villes en faveur du développement les marabouts, les imams et les prêtres sont parmi les mieux placés pour identifier les besoins et les dynamiques mais surtout pour fédérer les efforts de la population. C’est pour lui l’avenir du pays : la participation des citoyens au niveau local et le partage du pouvoir entre ces derniers et les autorités élues.
Le Sénégal en Afrique de l’Ouest se distingue donc par la vivacité de ses pratiques de coexistence ainsi que par les enjeux de son développement dans lesquels ses figures religieuses sont appelées à faire acte de responsabilité.
Léa Frydman