Les méandres dommageables de l’administration indienne
Make in India, une campagne lancée par Modi au lendemain de son élection en mai 2014.[/caption]
Dès sa campagne, Narendra Modi a été considéré comme un « pro-business » – l’accumulation des projets internes ou tournés vers l’extérieur pour développer l’investissement et les échanges en Inde a contribué à nourrir cette image. Mais des projets tels que Make in India, lancé en mai 2014, et plus largement la volonté des investisseurs de s’introduire dans le marché indien, si prometteur, se heurtent sans discontinuer à l’administration. D’une part, parce que celle-ci s’articule sur deux niveaux – fédéral et national – peu coordonnés entre eux, et d’autre part parce que les réglementations et contraintes sont nombreuses… Et variées. Procédures d’enregistrement, demandes « injustifiées », application de normes, connues seules de l’Inde… Ces complications ont fait classer le pays en 2016, selon la Banque Mondiale, à la 130e place (sur 139) des pays propices aux affaires. Un handicap reconnu par Modi lui-même : « J’ai demandé à mon équipe : “Pourquoi les formulaires sont-ils si longs ?” Et il n’y a pas de raison. »
Afin de contourner ces difficultés, Peters Surgical, groupe vendant des dispositifs médicaux pour blocs opératoires, a tout simplement décidé de racheter une société indienne en juin 2015, y voyant « un gain de temps ». Mais c’est également le choix de produire sur place qui a été décisif – sur six cents salariés, cent cinquante travaillent aujourd’hui en Inde. « Narendra Modi a une véritable politique de facilitation du monde des affaires. Mais son objectif est clair : il s’agit d’inciter les entreprises à venir sur place. À partir du moment où vous fabriquez vos produits en Inde, c’est beaucoup plus facile », affirme Jean-Marc Chalot, directeur de Peters Surgical. La réforme des procédures d’investissement et de production en Inde fait partie des dossiers-clés sur lesquels le Premier ministre est attendu.
À la recherche de la consommation interne : un smartphone à moins de 4 euros
Coque indienne et prix imbattable : Freedom 251 connaît d’ores et déjà un redoutable succès.[/caption]
Il coûte 251 roupies, soit 3,30 euros, et est un fruit direct de la campagne « Make in India ». Commercialisé par Ringing Bells, fondée en 2015 par trois associés, sa vente a été lancée en grande pompe à New Delhi et présentée par le ministre de la Défense, Shri Manohar Parrikar.
Nommé Freedom 251, ce smartphone soutenu par le gouvernement indien est le moins cher du monde. Malgré des caractéristiques (écran, capacité de connexion) qui datent d’il y a cinq ans, ses ventes commencées le jeudi 18 février à 6 heures du matin ont été interrompues par le surnombre de demandes.
Marché hautement prometteur par sa taille mais au pouvoir d’achat réduit, l’Inde sait que l’accès à Internet est un de ses secteurs-clés. Il est d’ailleurs un des objectifs de la campagne « Make in India » qui alloue des crédits et des aides aux sociétés, afin de promouvoir l’innovation dans vingt-cinq secteurs industriels et technologiques. Attirer des multinationales tout en soutenant ses acteurs locaux est également un objectif notoire.
Particulièrement bas, le prix de ce smartphone n’est pas sans susciter le scepticisme de certains. Dans un courrier adressé au ministre des Télécoms, Ravi Shankar Prasad s’interroge au nom des industriels Télécoms sur les « perturbations » que pourrait engendrer l’introduction sur le marché d’un tel bien. D’après eux, le coût des composants, à eux seuls, serait dix fois plus élevé que le prix du téléphone. L’éclaircissement du financement de ce projet pourrait bien être requis.
« ASEAN – Inde, un nouveau modèle » : approfondissement stratégique du partenariat
The Oberoi, hôtel du centre de New Delhi, a vu se tenir la huitième édition du Dialogue de Delhi impliquant l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) et son partenaire indien, du 17 au 19 février. Objectif : la discussion de partenariats dans de nombreux domaines, allant de l’économie à la culture en passant par la sécurité. Une rencontre rendue particulièrement importante par la création, le 31 décembre 2015, de la Communauté de l’Asean, désormais la quatrième plus grande économie du monde. C’est Anil Wadhwa, vice-ministre des Affaires étrangères, qui a représenté l’Inde.
Des rencontres et débats entre entreprises ont simultanément eu lieu, centré notamment autour de la fabrication en Inde et de Make in India. L’enjeu était de définir les points de complémentarité de chacun dans des secteurs choisis et d’identifier les obstacles possibles aux coopérations.
Loin de s’en tenir au bilatéralisme, la rencontre a également évoqué les accords commerciaux régionaux tels que l’Accord de partenariat transpacifique (TPP) ou le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Par ailleurs, une table ronde ministérielle s’est tenue, avec pour sujet de réflexions : « Communauté économique de l’Asean et l’Inde ; établir les chaînes de valeur régionales ».
Leader de l’opposition contre Modi : « Le premier ministre n’a pas compris la complexité de notre pays ou refuse de le faire »
Capture d’écran du site The Hindu[/caption]
Alors qu’une séance houleuse s’annonce au Parlement, alors que les manifestations étudiantes continuent de déchirer l’actualité et que des lois économiques controversées doivent être passées par le gouvernement, Rajya Sabha Ghulam Nabi Azad, leader de l’opposition, accuse le Premier ministre de vouloir « briser l’harmonie sociale ».
Azad reproche notamment à Modi de se focaliser uniquement sur le développement économique et les relations extérieures, sans prendre conscience que son action intérieure soulève trop régulièrement un tollé général, comme ce fut le cas avec Rohit Vemula, intouchable qui s’est suicidé il y a quelques semaines. La confiance est rompue, dit-il en substance, mais le Premier ministre n’en semble même pas conscient.
Une des controverses majeures dans les actuelles manifestations est la conviction, pour certains, que l’étudiant kumar aurait prononcé des slogans anti-Inde. « Je condamne fortement que l’on soulève des slogans anti-Inde, mais je pense également que l’attitude même du gouvernement est responsable de cet état de choses. » Diviser pour régner, c’est ce que lui reproche Azad principalement, alors que les médias condamnent unanimement la responsabilité du gouvernement dans les tensions actuelles.