Ce 25 février 2016, François Hollande conclut son voyage en Amérique latine par une visite officielle en Uruguay. En octobre 2015, le président uruguayen Tabaré Vázquez s’était rendu en France. Les relations diplomatiques entre les deux pays sont résolument renforcées et la coopération scientifique, universitaire, économique et stratégique se développe. Des accords bilatéraux sont signés.
Indépendant depuis 1825, l’Uruguay jouit d’une position stratégique entre l’Argentine et le Brésil. C’est un pays paisible de 3,5 millions d’habitants, l’un des plus progressistes du continent latino-américain. Le PIB par habitant compte parmi les plus élevés d’Amérique latine, et le taux d’homicides y est un des plus faibles. « Pionnier social », l’Uruguay siège au Conseil de sécurité de l’Onu depuis janvier 2016.
Entre 2015 et 2019, l’Uruguay consacrera environ 11 milliards d’euros à des projets autour de l’énergie, des transports et des infrastructures afin de soutenir la croissance et de créer des emplois. Le pays, modernisé, est en pleine mutation économique. Mais de l’Uruguay, les médias français et européens – qu’ils soient généralistes ou financiers – semblent surtout connaître quelques clichés.
Les clichés
D’abord, le football. Certes, nombreux sont ceux qui considèrent que le ballon rond est dans l’ADN uruguayen. L’équipe nationale (la Celeste) a notamment gagné la toute première Coupe du monde de football de l’histoire, puis celle de 1950. Les frasques récentes du joueur Luis Suarez font les gorges chaudes de nos médias.
Puis, l’ancien président. Fantasque et iconoclaste président de 2010 à 2015, José « Pépé » Mujica est un phénomène qui laisse pas indifférent. La législation qu’il a introduite est révolutionnaire mais très controversée : en légalisant en 2013 la culture du cannabis à des fins récréatives et médicinales, Mujica a placé son pays au centre de l’attention médiatique européenne.
Un pays désormais prospère
Pourtant, au-delà de ces stéréotypes véridiques mais réducteurs, l’Uruguay est devenu une économie prospère. La période de dictature militaire (1973-1985) est d’un autre temps. Ce petit pays tranquille est la « Suisse de l’Amérique latine ». Il y règne désormais une bonne stabilité économique et politique, ainsi qu’un climat des affaires rassurant : les fondamentaux économiques sont bons, et les institutions sont efficaces.
Coincé entre deux grands pays depuis sa fondation, l’Uruguay a toujours agi comme tampon, et cette vocation persiste. Ainsi, l’Uruguay est membre fondateur du Mercosur (en 1991), dans lequel l’ancien président uruguayen Luis Alberto Lacalle Herrera (1990-1995) a joué un rôle prépondérant.
Bien que son économie soit exposée aux aléas de la conjoncture argentine et brésilienne – ainsi que des ses partenaires du Mercosur – l’Uruguay a su tirer son épingle du jeu. La grave crise de 2002 est loin. L’Uruguay suit désormais son chemin propre, sous le signe d’une paisible prospérité. La transition entre les présidents Mujica et Vázquez semble s’opérer en douceur : le style d’exercice du pouvoir est plus neutre mais le modèle socio-économique progressiste est comparable. Bien que la dette publique soit supérieure à 60 % du PIB (un seuil-clé d’après The Economist Intelligence Unit), les perspectives économiques à moyen terme sont bonnes grâce notamment à la vigueur des projets d’investissement.
Progrès accomplis et défis à surmonter
Comme l’écrit l’OCDE en 2014 dans le volume 1 de son Multi-dimensional Review of Uruguay, l’Uruguay a fait des progrès remarquables au cours des dix dernières années. En particulier, des améliorations substantielles ont été réalisées dans l’emploi et la lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, le risque externe s’est considérablement réduit.
Il reste toutefois au pays de nombreux défis économiques et sociaux. Il lui faudra notamment progresser en termes de capital humain et d’infrastructures. Alors que de fortes contraintes pèsent sur le financement public, les pouvoirs publics devront rendre le système fiscal plus efficace et réduire les fortes inégalités de revenu et d’accès à l’éducation.
L’Uruguay possède de solides fondations sur lesquelles pourront être élaborées les futures politiques publiques. Enfin, selon l’OCDE, le capital institutionnel de l’Uruguay est élevé, par rapport à l’Amérique latine mais aussi aux économies de l’OCDE. Le pays peut légitimement envisager l’avenir avec sérénité.
Les investissements en Uruguay
Les investissements se sont fortement accrus. Grâce à une législation incitative, l’Uruguay est devenue une place financière attractive pour les investisseurs étrangers. En 2013, la bonne santé uruguayenne est confirmée par le fait que sa dette souveraine est pour la première fois cotée en investment grade par les trois principales agences de notation, attestant un faible niveau de risque.
La France et l’Uruguay ont signé un accord bilatéral de promotion et de protection réciproque des investissements. De nombreuses entreprises françaises – dont certaines appartiennent au CAC40 – sont donc présentes en Uruguay.
Vers un traité entre l’Union européenne et le Mercosur
Véritable serpent de mer, les négociations commerciales entre l’Union européennes et le Mercosur ont repris en 2010. En juin 2014, Angela Merkel appelait de ses vœux une accélération des discussions entre l’Union européenne et le Mercosur, afin de créer un espace de libre-échange entre les deux parties. Plus récemment encore, en octobre 2015, le ministre uruguayen des Affaires étrangères Rodolfo Nin Novoa considérait qu’un tel traité pourrait se matérialiser en 2016.
Longtemps délaissé par la diplomatie française, l’Uruguay semble reprendre une place de choix. Plus globalement, il est heureux d’observer le regain d’intérêt témoigné par l’Europe et les États-Unis envers l’Amérique latine.
Alors que les pays européens peinent à surmonter définitivement la crise financière, ils seraient bien inspirés de renforcer leurs partenariats avec l’Uruguay, petit eldorado économique, élu pays de l’année en 2013 par The Economist !