Il manquait un titre à celle qui a popularisé la natation synchronisée en France dans les années 1980, celui de championne du monde. C’est chose faite depuis juillet 2015 et sa médaille d’or obtenue dans la catégorie 50-59 ans à Kazan, en Russie.
Miuriel Hermine au centre du podium des Masters de natation synchronisée à Kazan (Russie) – Crédit photo : Quentin Quennehen[/caption]
Ce pari fou de revenir à la compétition, c’est pour prouver qu’on peut rester toute sa vie sportive de haut niveau ou pour enfin décrocher ce titre mondial qui manquait à votre palmarès ?
Ni l’un ni l’autre. Je suis coach en entreprise et j’accompagne des problématiques de motivation, il n’y a donc pas d’âge pour réaliser ses rêves ! Mon objectif était d’incarner les messages que je transmets aux salariés : positivité, énergie, conviction. Si moi j’y arrive, pourquoi pas eux ?
Comment se prépare-t-on à ce type d’évènements presque 30 ans après l’arrêt de sa carrière ?
Beaucoup plus intelligemment que quand on a vingt ans. En adaptant ma vie, il était important de trouver le temps pour un projet personnel entre la famille, les enfants, le boulot, le quotidien. Après, on gère les priorités, on renonce à certaines choses pour en acquérir d’autres, ce fut un an et demi de chamboulement total de ma vie. C’était comme gravir l’Everest.
Et physiquement ?
Je me suis entourée d’une équipe dédiée à la santé, l’entraînement, et l’approche globale de l’être humain. Je me suis notamment rapprochée de David Lake, un acupuncteur et ex-sportif. Il n’est pas enfermé dans une vision stricte de sa pratique, et connaît la problématique des sportifs de haut niveau en terme de mental, d’alimentation, de fatigue, de risque de blessure. On se voyait toutes les semaines, il est même allé voir sous l’eau pour adapter un programme en phase avec ce dont j’avais besoin.
Pourquoi avoir décidé de changer votre programme musical un mois et demi avant la compétition ?
Parce que j’avais fait un choix de musique qui portait un message mais qui n’était pas du tout dans le rythme et dans le style de ce qui se fait aujourd’hui. Changer la chorégraphie représentait encore un challenge complètement fou. Je me suis dit « Tu tentes ou pas ? Allez ! » Après 14 mois de préparation, il a donc fallu augmenter les heures quotidiennes d’entraînement. Et on gagne toujours en développant ses forces, l’artistique me concernant : j’ai fait l’inverse en 1988 lors des Jeux olympiques de Séoul… (Ndlr : Muriel avait échoué au pied du podium)
Cette épreuve était destinée à des athlètes qui ont « terminé leur carrière mais qui restent dévoués à leur passion » : pourtant, vous n’aviez plus mis les pieds dans un bassin depuis le début des années 2000 ?
Je me suis reconvertie trois fois dans ma vie, mais la natation synchronisée reste ma passion. Le corps a une mémoire, qui a été réactivée pendant la compétition ; j’ai pris conscience que tout est en moi. Toutes les émotions vécues il y a vingt-cinq ans ont ressurgi. J’ai retrouvé rapidement les positions de mon corps, et les 2/3 de mon programme technique de 1986 avaient été réintroduits inconsciemment pendant mon entraînement ! L’échec de Séoul ne m’a pas quitté pendant mon année et demie de préparation. Cela a rejoint mon désir d’aller chercher cette médaille.
Vous affirmez que la réussite du champion dépend à 70 % de son mental, peut-on appliquer ce chiffre à la vie professionnelle ?
Oui. Ça fait partie des messages que je passe : tout se joue dans la tête, le reste suit. Le point A c’est l’état des lieux (avec qui, avec quels moyens, dans quel état d’esprit) qui sert à aller au point B. Quand on a un objectif très clair, on avance pas à pas.
En tant que coach, vous accompagnez de nombreuses personnes victimes de burn-out ou en dépression, qui ont entre quarante et cinquante ans : leur conseillez-vous d’abord la pratique du sport pour aller de l’avant ?
Non car j’ai généralement des non-sportifs face à moi, mais je leur explique l’importance d’une hygiène de vie. J’ai une capacité à mener les gens vers le bien-être. L’humanitaire m’a permis d’accompagner les gens vers le mental. L’être humain est bien quand il est équilibré. On ne change pas mais on évolue. Vous attirez à vous les gens qui trouvent un écho en vous. On a tous besoin d’être connu, respecté. Le monde de l’entreprise aujourd’hui ne va pas du tout dans cette démarche. On ne se remet en question que quand ça ne va pas bien. C’est parce que le monde de l’entreprise est si cruel que les gens vont si mal.
Vous avez connu des périodes de déprime ?
Je n’ai jamais fait partie d’une entreprise car j’ai toujours créé les miennes, j’ai donc touché du doigt ce qu’est déposer un bilan, licencier des gens. Vous avez une conscience de ce que cela représente. C’est par expérience que l’on apprend, et la vie est une grande expérience !
Quand vous êtes coach, vous n’êtes pas conseiller. Vous intervenez sur une problématique que rencontre la personne, l’objectif est de lever les voiles sur les problèmes qu’elle rencontre. Les gens jouent beaucoup avec les autres, avec leur image, et personne n’est parfait. Il faut creuser pour que les masques tombent et que les gens se révèlent réellement.
Vous avez été créatrice de spectacles aquatiques, fondatrice d’une association humanitaire, jurée dans une émission télé, vous êtes conférencière : vous considérez-vous comme une femme de défis ou simplement curieuse ?
Je m’ennuie assez vite quand je m’enferme dans une routine ! J’aime avoir un nouveau défi à relever.
Votre association se nommait « J’ai un rêve » : avez-vous accompli les vôtres ?
Ah oui. J’étais entourée de gens qui jamais ne pensaient les réaliser. C’est aussi pour ça que j’ai décidé d’accompagner les autres. J’ai une envie folle de recréer des spectacles, c’est mon truc. D’ici la fin de l’année, je dois trouver le lieu et les partenaires économiques qui vont m’accompagner dans ce projet.