Corine Barande-Barbe est entraîneuse de chevaux de course depuis 1991. Elle a pu observer l’évolution d’un milieu majoritairement masculin, même si Myriam Bollack et Christiane Head-Maarek ont aussi permis une évolution des mentalités.
Entretien avec cette femme à part dans le monde hippique.
Pourquoi avoir choisi d’être entraîneuse ?
À six ans, la première fois où j’ai vu un cheval, j’ai dit « je veux vivre avec eux ». Plus tard, je suis entrée dans le métier : je n’avais pas les moyens d’être seulement propriétaire.
En tant que femme, avez-vous été acceptée facilement par ce milieu principalement masculin ?
Ils étaient sceptiques au début, j’ai mis un an avant d’avoir ma licence, car elles étaient données au compte-gouttes aux femmes. J’ai eu de la chance d’avoir des bons chevaux dont personne ne voulait. Comme je le dis souvent « il y a celui qui voit la chance et qui tente le coup, et celui qui la voit mais ne tente rien ».
Les femmes sont-elles des entraîneurs comme les autres ?
C’est un métier de femmes que certains hommes font très bien. On est moins de 10 % de femmes aujourd’hui. Beaucoup travaillent dans l’entreprise de leur mari et restent très présentes. Les femmes adorent les chevaux et les chevaux adorent les femmes ; c’est parce que femmes n’imposent pas, elles proposent.
Les chevaux savent-ils distinguer une femme d’un homme ?
Tout animal identifie le sexe des personnes. Ils sont moins inquiets face à une femme qu’à un homme. Les hommes sont un peu plus autoritaires, ils veulent commander. Les chevaux ne sont pas des prédateurs, ils sont des proies. Ils évaluent en permanence le danger. Ils sont rapides pour pouvoir se sauver. Il sont comme des miroirs : si vous êtes agressifs, ils le seront ; si vous êtes câlins, pareil. Il faut être ferme mais pas agressif.
Votre équipe est composée à 75 % de femmes : était-ce une volonté de votre part ?
Non, mais il y a plus de filles sur le marché du travail et la clientèle dans les clubs hippiques et parmi les apprentis jockeys est composée à 80 % de filles. J’ai trois filles sur quatre apprentis ; trois de mes salariés, sur sept, sont des femmes. J’aime bien les garçons aussi… D’ailleurs, tout le monde est payé pareil dans mon entreprise. On a moins de force mais on peut y arriver : dans l’histoire, les femmes ont rarement été en reste !
Le respect de vos pairs vient de votre implication renouvelée ou de l’accumulation de vos victoires ?
Je ne sais pas s’ils me respectent. On m’écoute parce que je parle. Parfois, on me redoute un peu parce qu’on n’a pas de moyen de pression sur moi. Je ne suis pas influençable et pas achetable, c’est pour cela que je ne suis pas riche, j’ai très peu de clients mais cela me laisse de la liberté, et ça n’a pas de prix ! Je n’ai pas d’enfants, je mets tout dans ce métier, afin de rendre les chevaux heureux et d’être heureuse avec eux. J’essaie de faire ce métier à l’instinct, comme par le passé où tout coûtait moins cher. Je traite chaque cheval comme s’il était un champion, à l’instar de Carling à mes débuts ou Cirrus des Aigles maintenant.