Depuis que Marie-Claude Feydeau est présidente de la Fédération française de parachutisme, sa discipline est en pleine ascension. Rencontre avec une femme pour qui l’opiniâtreté est une seconde nature.
Comment avez-vous découvert le parachutisme ?
Par le biais de mon époux, qui en faisait. Je pratiquais l’équitation, mais je voulais voir le parachutisme d’un peu plus près, car il était sur le terrain et en parlait avec ferveur. J’ai fait un vol en 1977 dans l’avion des parachutistes, et quand j’ai vu le plaisir qu’ils prenaient, j’ai voulu essayer aussi. C’est devenu une passion pour nous tous, ma fille, mon gendre… J’ai ensuite passé mon brevet de pilote. Je suis entrée à la fédération en 1995 et j’en suis présidente depuis 2009.
Vous avez déclaré qu’au début des années 2000 la place des femmes dans le parachutisme n’était pas reconnue : la donne a-t-elle changé ?
Oui, car il y a aujourd’hui 28 % de femmes au sein de la fédération contre 11 % quand j’y suis entrée. Ma toute petite place au sein de la fédé a joué car j’ai invité les filles à venir, à s’impliquer dans les réunions, en essayant de convaincre qu’elles pouvaient aussi faire du parachutisme. J’en suis très fière car toutes les fédés aéronautiques n’ont pas le même pourcentage de femmes. Il faut des femmes qui s’investissent, ce n’est pas la parité dont on a besoin mais de femmes engagées au niveau politique, sportif, dans les régions, dans les clubs. Il faut commencer par le bas, grimper dans les échelons en se disant qu’on peut apporter quelque chose. Les présidentes de ligues sont de plus en plus nombreuses chez nous.
De 2007 à 2008, vous avez été présidente de la commission Femme et Sports du Comité départemental olympique et sportif de l’Indre-et-Loire : quel était le rôle de cette entité ?
C’est une émanation du CNOSF, qui regroupe toutes les fédés olympiques. Il y a ensuite le comité régional et les comités départementaux. Le but de la commission était de dire : « Il faut travailler pour que les femmes arrivent dans tous les sports, dans toutes les disciplines ». Pour les engager à s’investir, à pratiquer, à aller vers les juges, les arbitres. Pour engager une réflexion sur le sport au féminin. Nous sommes allées dans les quartiers pour faire découvrir tous les sports. Je suis ensuite partie à la fédération car je ne pouvais avoir deux mandats.
Le Rassemblement national parachutiste féminin qui s’est déroulé du 28 au 30 août 2015 va-t-il être organisé à nouveau cette année ?
Oui, il aura lieu à Lille du 26 au 28 août prochain. C’est moi aussi qui l’ai mis en place quand j’étais membre du conseil fédéral de la fédération. Nous nous regroupons chaque année (avant, c’était tous les deux ans) pour échanger sur nos disciplines, nous informer. Et ça fonctionne ! On est 28 % mais on ne se rencontre pas forcément.
Vous insistez sur ce chiffre : à quoi est dû selon vous cette implication des femmes dans le parachutisme ?
La communication autour du parachutisme est importante. Elle montre que cette discipline est chouette, qu’il y a de belles images et les femmes touchent un peu à tout aujourd’hui. Les femmes sont de plus en plus curieuses, les mentalités ont changé. Quand j’ai commencé, c’était relativement macho, il fallait s’accrocher pour rester. C’est un sport civil et les hommes ont évolué. Le matériel aussi : être parachutiste il y a quarante ans, c’était porter un équipement de 25 kilos, aujourd’hui c’est 5 à 6 kilos. On parle désormais d’égal à égal.
Les raisons pour les femmes de venir à cette discipline sont-elles les mêmes que celles des hommes ?
Oui. C’est la découverte. Je dis toujours que dans la vie il faut être curieux de tout. Le parachutisme est un sport à risques contrôlés. On est du début à la fin pris en main. Toute votre vie, vous devez parfaitement être maître de la situation, c’est une école d’humilité. Il faut faire confiance aux gens qui vous entourent. La fédé est en pointe sur la sécurité à tout point de vue.
Vous demandez aux femmes de prendre confiance en elles, mais la première approche, pour les femmes comme pour les hommes, n’est-elle pas l’appréhension ?
L’appréhension vous accompagne en salle de cours, lorsque vous écoutez, pas dans l’avion. Car vous avez déjà fait un grand pas. Vous allez vous laisser porter par l’instructeur parce que vous ne pouvez pas faire autrement. Quand vous passez les pieds hors de l’avion, ça va tellement vite ! Une fois le parachute ouvert, vous vous dites que vous n’avez rien vu passer. Le deuxième saut est plus difficile à gérer car vous devez remonter. Moi au dixième saut, je m’étais dit : « Je ne vais pas y aller, j’ai peur ». La discussion que vous avez avec les gens qui vous entourent est essentielle, il faut leur donner confiance. Il faut être solide psychologiquement, la technique ça s’apprend. Aujourd’hui, j’en suis à 5 000 sauts, mon mari à 12 000…
Les compétitions sont-elles mixtes ?
Absolument. Il y a aussi des équipes 100 % féminines (voile contact, vol relatif).
Quel est le pourcentage de personnes handicapées ?
On débute le parachutisme handicapé. J’ai lancé cette action en 2013 en disant que le handicap avait sa place. On a décidé avec la Direction technique nationale d’ouvrir nos portes. Il faut aussi la connexion médicale, c’est une responsabilité énorme. Nous commençons par la méthode tandem, on a mis des règlements en place avec des juges, j’ai signé une convention handisport avec la FFH et nous avons travaillé sur la formation des cadres qualifiés handicapés (une dizaine à l’époque) pour mieux appréhender le handicap. Un championnat de France a été créé en 2014, dont la troisième édition aura lieu en août prochain. Je peux aussi vous annoncer qu’en septembre prochain sera lancé le premier challenge européen handi ! Pour cela, nous avons sollicité tous les pays européens et douze sont inscrits à ce jour pour venir nous rencontrer à Maubeuge. Nous avons même déposé un dossier Erasmus car nous souhaitons faire partager ce que nous mettons en place depuis trois/quatre ans. La France innove !
Des activités spécifiques leur sont-elles proposées ?
Au départ, il faut trouver l’école : huit sont labellisées pour recevoir une personne qui doit au moins faire un saut en tandem. J’ai mis en place des aides financières (les personnes handicapées paient 50 % de moins qu’un parachutiste valide) pour leur donner la possibilité de faire des sauts régulièrement. Ils pourront aussi faire du parachutisme seuls avec la méthode ascensionnelle, de la soufflerie, et du saut d’avion. Ils pourront pratiquer à leur rythme, participer une fois par an aux championnats de France des valides. À ce sujet, nous avons reçu des messages énormes de satisfaction. On est tous parachutistes ! Il suffit d’être organisé pour résoudre les problèmes, il faut les bonnes personnes au bon endroit, j’attends que les autres sports fassent de même !