Le verdict de la Cour constitutionnelle est tombé ! Ce sera Zinsou contre Talon. Le dimanche 20 mars. Mais qui est le plus Béninois des deux ?
La première partie de la campagne présidentielle s’est déroulée dans un esprit de nationalisme exacerbé. Lionel Zinsou y a été la cible de toutes les attaques, lui le « Yovo », homme blanc en Fon, la langue la plus parlée au Bénin. Alors qu’il aurait pu être la fierté des Béninois, au vu de son parcours et de sa réputation internationale, une campagne le présentant comme « candidat de l’étranger » a quelque peu terni son image. Pourtant à y regarder de près il n’est pas le plus Français du trio de tête.
Plus les jours passent et mieux le vrai visage des uns et des autres se dévoile. Arrivé, à la surprise générale, à la tête du gouvernement béninois, Lionel Zinsou a tout de suite dérangé le microcosme politique habitué à ses petits jeux. Tout le monde s’y connaissant, la menace récurrente est : « Attention à ce que tu vas dire, j’ai un dossier sur toi », ce qui dans l’absolu n’est pas faux. Chacun traîne des casseroles, et les négociations entre initiés tournent toujours autour des concessions que les uns accordent aux autres. Ce n’est pas nouveau. Le jeu politique est partout ainsi sauf qu’en Afrique, et plus particulièrement au Bénin, les enjeux se résument aux biens mal acquis. Manière élégante de parler du système bien huilé de vol organisé au plus haut niveau de l’État.
Venu de nulle part, inconnu au bataillon, Lionel Zinsou est, dès son arrivée, perçu comme un empêcheur de tourner en rond. Mais que vient faire un garçon aussi intelligent dans ce panier de crabes ? La question fait le tour des milieux d’affaires et politiques. Les réponses restant évasives, il y aurait donc anguille sous roche. Surtout que ce haut cadre n’offre aucune prise à ses adversaires en matière de « dossier ». Nulle intrigue politique ni conflit d’intérêts au Bénin à lui reprocher. Il reste alors, à ceux qui veulent absolument lui trouver un défaut, ses attaches françaises liées à celui qui l’a mis à la tête du gouvernement, le président Boni Yayi : il serait aux ordres. François Hollande, le président français, aurait en main les rênes. Et voilà le « Yovo » dans toute sa splendeur qui se préparerait à brader les richesses béninoises. La France avancerait son pion pour une nouvelle colonisation. Ces arguments semblent grotesques, mais titillent la fibre patriotique. On veut être maître chez soi.
À qui mieux mieux
Aussi, le candidat Lionel Zinsou, à chaque sortie, sacrifie à un rituel préalable : il affirme et affiche son attachement et son appartenance à la nation béninoise. D’abord par ses tenues vestimentaires, l’emploi de quelques mots en Fon, puis l’évocation de son ascendance et son nom bien d’ici. En effet, son grand-père, Bodé Zinsou, a été un des tout premiers instituteurs du Dahomey devenu Bénin. Il a créé et dirigé un des premiers journaux du pays en 1924, Le Récardère de Béhanzin. Son père est un professeur de médecine bien connu en France, qui passe une paisible retraite à Cotonou. Et sa mère est française. Lionel Zinsou, métis de première génération, explique et démontre sa connaissance du terrain, son implication dans le développement de son pays par de multiples activités, dont une fondation pour la promotion de la culture que dirige sa fille.
Qui est Talon ?
Sans trop en faire, le futé « Yovo » regarde ses concurrents dans la course à la présidence, dont les pensées sont si fortes qu’elles s’entendent. Si l’on voulait vraiment jouer au jeu de « qui est vraiment Béninois », on aurait quelques surprises. Patrice Talon, candidat au second tour de la présidentielle, porte un patronyme bien français. Il est métis quarteron. Au moment de sa brouille avec son ancien ami et président Boni Yayi, il n’a d’ailleurs pas hésité à user de sa double nationalité. Il s’est réfugié chez lui en France pour échapper aux autorités béninoises bien décidées, en ce temps, à le jeter en prison.
Quant à Sébastien Ajavon, dont on attend la réaction à son éviction du deuxième tour, rien à voir avec un « sang mêlé », mais lui aussi est intimement lié à la France. Il y dispose d’intérêts financiers vitaux. Roi du poulet surgelé au Bénin et dans quelques pays africains, il n’en est pas moins entrepreneur en France où il détient une grande part de la filière volaille : poulets et ailerons de dindes.
Après des discours enflammés aux relents xénophobes, l’opinion revient à des valeurs simples où compétences et expérience reprennent le pas sur les petites insultes racistes. Aujourd’hui les Béninois attendent qui veut servir et non se servir.