La Cour constitutionnelle a proclamé hier soir les résultats définitifs du premier tour de la présidentielle, qui confirment ceux donnés par la Commission électorale nationale autonome (Cena). Lionel Zinsou arrive en tête de la consultation avec plus de 858 000 voix devant Patrice Talon, 746 000 voix, sur un total de quelque 3 millions de votants.
Rien n’est gagné, tout reste à faire. Ce sont là les seuls mots d’ordre que partagent les supporters des candidats encore en lice. Chaque camp se réjouit et se félicite de son score. Les congratulations sont de mise ; les poignées de main, fermes et interminables. De quoi laisser des souvenirs à travers des gestes fortement exprimés. On comprend vite dans les clins d’œil avisés que le « tout reste à faire » signifie justement négociations.
Avant même la proclamation officielle des résultats, les états-majors des candidats multipliaient tractations et rencontres plus ou moins secrètes pour rallier le maximum de personnalités autour de leur candidat. Personne n’ignore ici que le report de voix ici n’est pas automatique. La mobilisation au premier tour s’est faite autour des candidats hommes d’affaires pour leur générosité. La capacité à donner sans compter est un argument de poids dans le choix des électeurs encore faiblement politisés. Au tableau de la distribution et des dons aux populations, Sébastien Ajavon est champion. Ses moyens mis au service de son ambition l’ont fait politicien ; rien de plus. Honorable troisième avec quelque 600 000 voix, il a annoncé qu’il soutiendrait Patrice Talon.
Ce détail est important dans la lecture de cette présidentielle au Bénin. Ajavon soutient Talon, ce qui n’implique pas un calcul simple de report de voix. Non. L’électorat est volatile et les votants du premier tour ne constituent pas une base électorale sûre. L’argent a forcé la sympathie qui ne se transmet guère. Mais c’est à travers « la coalition de la rupture », dans laquelle se retrouvent la plupart des adversaires du pouvoir, qu’une dynamique veut se créer. En tout cas, c’est ce que Patrice Talon appelle de ses vœux en annonçant sur les chaines de télévision du Bénin qu’il « travaille déjà avec les autres ».
Rupture et incantations
Mais la coalition dite de la rupture a du plomb dans l’aile. Elle n’a pas de plateforme politique. Elle commence son existence par faire ce qu’elle reproche aux autres : des tractations souterraines, des négociations partisanes pour la préservation de certains intérêts pour une contrepartie inavouée. Il faut noter que tous les membres de la coalition, dite de la rupture, ont été liés au pouvoir : hommes d’affaires bénéficiant des largesses du pouvoir, Premier ministre et ministres. La rupture ne s’est jamais opérée sur des divergences politiques, mais à cause de conflits d’intérêts opposant des amis.
C’est pourquoi la candidature de Lionel Zinsou dérange : lui n’est en rien mêlé à l’imbroglio politico-financier qui mine le Bénin depuis quelques années. Toutefois, lui aussi, afin d’élargir sa base électorale, mène des négociations pour rallier des personnalités. Il cherche à consolider ses percées dans le nord du Bénin et à gagner davantage dans les départements du centre et de l’ouest, où Talon et Ajavon ont réalisé de bons scores.
Après la campagne de l’argent distribué, qui ressemblait à un défouloir général, devrait commencer maintenant, et pour cinq jours seulement, la campagne du vrai débat politique, celui de l’engagement pour le pays à travers des orientations économiques fiables et viables, qui ne soient pas uniquement des incantations.