Pour ceux qui ne croient pas en l’homme, en sa capacité à rester droit face à l’argent et au pouvoir, pour ceux qui assimilent succès à malhonnêteté, Lionel Zinsou a certes de quoi déstabiliser.
Ce portrait de Lionel Zinsou, trop occupé à agir pour perdre son temps à poser – comment le lui reprocher ? – s’est dessiné trait par trait à travers les propos de ceux qui l’ont approché et les témoins de choix, de foi, les plus objectifs qui soient : ses réalisations.
Son parcours universitaire, Lionel Zinsou l’a tracé de A à Z dans l’excellence depuis les classes préparatoires du célèbre lycée Louis le Grand de Paris à la prestigieuse London School of Economics en passant par Normal Sup’ rue d’Ulm, excusez du peu. Et sa carrière professionnelle, il l’a bâtie aussi d’un sommet au suivant.
Un parcours sans faute donc. Ou presque : il a raté, la première fois, le concours de l’agrégation. La seconde, en revanche, il a fini premier. Il aurait pu continuer sur le chemin tout tracé vers l’Ena puis la haute fonction publique. Mais il se réserve pour l’Afrique. Il choisit une profession qu’il pourra exercer ailleurs, sous-entendu, au Bénin. Il devient professeur à l’université. Il finira quand même par passer à l’Ena… en tant que professeur.
L’excellence n’est pas un défi pour lui mais un moyen, une nécessité. Pour agir sur le monde et pour le transformer. Pareil pour le pouvoir, il l’a connu trop tôt, avec son oncle Président, puis son ami Fabius dont il sera la plume, pour en être ébloui, enivré, pour être par lui dominé.
Banquier d’investissement au plus haut niveau mondial, Le Monde le dit « paradoxal » quand je préfère atypique. Baignant dans un univers d’argent, son moteur est l’humanisme. Il est entré en finance pour la mettre au service de l’entreprenariat dont dépend l’avenir de la planète en général, de l’Afrique et du Bénin en particulier. Cette finance décriée en Europe car jugée immorale et dont les pays émergents manquent si cruellement. Ainsi pense Lionel Zinsou. Il voit l’Afrique réussir, il la voit au centre du monde. Est-ce une prédiction objective ? Qu’importe. Un homme de cette stature sait faire plier l’adversité, fléchir les réalités.
« Je fais mon devoir ! »
Lorsque le président Boni Yayi l’appelle en juin 2015 à venir servir son pays et le nomme Premier ministre, il répond aussitôt. « Une question de devoir ». Ce poste lui va bien : il est à inventer. En effet, au Bénin, cette fonction n’existe pas. On le prévient que c’est un piège. Que ça ne mènera à rien. Peu importe à Lionel Zinsou. Le temps d’agir pour lui, c’est toujours maintenant. Il s’attelle à sa tâche. Bourreau de travail, l’aventure pour lui consiste à travailler, entreprendre et penser.
Lionel Zinsou, un afroptimiste ? Tant mieux. Seul l’optimisme a jamais pu changer le monde.
Et à ceux qui lui reprochent ses années Boni Yayi, il répond : « Je suis un homme libre ! »
D’ailleurs, ces derniers mois, ses relations avec le président actuel du Bénin ont été exécrables. Il est curieux que leur rupture n’ait pas été plus clairement consommée. En ces heures décisives pour son pays, Lionel Zinsou se rappelle sans doute cette phrase : « Moi, c’est moi, lui c’est lui », de son ami Laurent Fabius, en 1984, se démarquant de son mentor, le président Mitterrand.
L’animal politique qui sommeille en Lionel Zinsou se réveillera-t-il pour l’aider à gravir cet ultime sommet ? Réponse dimanche 20 mars…
Catherine Fuhg et Michel Taube