Sébastien Ajavon, président du patronat béninois, arrivé troisième au premier tour de la présidentielle du Bénin, demande à ses partisans de voter pour Patrice Talon. Mais que sait-on de lui ? On sait qu’il a deux racines. L’une au Bénin bien sûr, l’autre en Bretagne (France). Une région qu’il connaît par ses activités dans le commerce de la volaille. Ajavon est un des rois de la volaille. Au cours des ces dix dernières années, il s’est constitué un important réseau d’amis dans l’agroalimentaire et le commerce de volailles. Enquête.
Sébastien Ajavon, le puissant homme d’affaires qui s’est récemment présenté à l’élection présidentielle au Bénin a tissé ces dix dernières années des liens importants en Bretagne, l’une des plus importantes régions aviaires d’Europe. Il contrôle d’ailleurs, au travers de sa société Casco, plus de 60 % du marché français de la volaille. En Bretagne où Sébastien Ajavon fait de très rares apparitions, son nom a beaucoup circulé l’an dernier lors de la reprise par Casco de l’abattoir Socavol de Saint-Brandan, près de Saint-Brieuc. Casco, dont le siège social est installé à Lamballe (Côtes d’Armor), était le principal client de Socavol. En mai 2015, l’entreprise qui employait 110 personnes a connu avec Ajavon un premier plan social qui a mené au licenciement et au plan de départ volontaire d’environ 10 % de ses effectifs. Puis nouveau coup dur en janvier 2016, avec cette fois encore une dizaine de licenciements annoncés par les représentants de la direction de Socavol installés par Casco. C’est ainsi que Marylène Letoux représentante de Casco justifiait cette décision il y a quelques semaines devant nos confrères du Télégramme : « L’activité est encore plus difficile depuis la grippe aviaire. Depuis fin novembre, on a zéro débouché. »
Quand on s’intéresse à Casco, on découvre une société installée depuis quinze ans en Bretagne dirigée par une autre société, Ideal Finance, dont la représentante est Violette Affoyon. Casco réalisait en 2012 plus de 84 millions de chiffre d’affaires.
« On ne vaut pas plus qu’une volaille »
Du côté des salariés de la Socavol, on semble se méfier du richissime patron béninois que personne n’a encore vu dans ce charmant coin de la région briochine. Pierre-Yves (*), un employé joint par Opinion Internationale a récemment quitté l’entreprise. « Dans un contexte extrêmement difficile pour la filière volailles depuis des années, cela nous a étonnés qu’on nous reprenne aussi vite et dans des conditions rapidement négociées. On a suspecté très vite que tout cela n’était pas très clair. Nous, les employés, on ne pouvait pas s’empêcher de penser que derrière ce rachat, il y avait autre chose. On a toujours pensé que le patron qui rachetait l’entreprise ne s’intéressait qu’aux machines et qu’au final tout le monde serait tôt ou tard licencié. On ne compte pas plus que les volailles ici, c’est triste à dire mais c’est comme ça qu’on le vit », raconte-t-il dépité, voyant les licenciements de ses collègues se suivre et s’enchaîner.
Volaille de réforme
Sébastien Ajavon est aussi décrié pour avoir mis en place une filière d’importation d’œufs et de volailles reconditionnées, de « réforme » précisément, venant d’Europe et dont ses détracteurs doutent de la qualité et de la concurrence déloyale imposée aux aviculteurs locaux au Bénin. Les Béninois mangeraient des denrées que le consommateur européen ne veut plus et Ajavon s’enrichirait sur ce commerce pour le moins choquant.
Une passion qui coûte cher
Outre ses activités dans la volaille, Sébastien Ajavon voue un véritable culte au football. En Bretagne, le « Roi du poulet » s’est investi dans le Vannes Olympique Club… jusqu’à en devenir l’un des fossoyeurs.
Sébastien Ajavon est un fan de football et un homme de réseaux. En Bretagne, cela fait quelques années qu’il entretient des rapports privilégiés et amicaux avec le monde du ballon rond. Au travers de ses activités dans la volaille, l’homme a noué de puissants liens avec Michel Jestin, l’autre homme fort de l’agroalimentaire breton, qui est aussi un grand amateur de foot et un incontournable patron de club. Notamment à Brest et à Vannes.
Leur relation est tellement forte qu’Ajavon décide d’investir dans le club de Vannes et entre comme administrateur de même que Violette Affoyon, la représentante de la société Casco qu’il contrôle. Nous sommes alors à la fin des années 2000, le club évolue en National. En 2009, Michel Jestin réussit l’exploit d’amener le club jusqu’en finale de la coupe de la Ligue au Stade de France. Son ami Ajavon croit au développement du club. Malheureusement, en 2014, c’est la douche froide : le redressement puis la liquidation du Club, qui affiche un passif de plus de 500.000 €, se traduisent la saison suivante par une descente en DS2.
L’amitié entre les deux hommes ne se tarit pas au contraire. Retour d’ascenseur ? Michel Jestin s’investit alors au Bénin au travers d’une association qu’il a lancée il y a quelques mois : MJ pour l’enfance qui se charge de construire des hôpitaux et des écoles sur place et dont Sébastien Ajavon devient tout naturellement parrain. Cette organisation a déjà ouvert cette année une maternité et plusieurs écoles dans le pays.
Finalement, le foot ne lui porte vraiment pas chance, que ce soit en Bretagne ou en Afrique. En effet, en 2014, alors que la liquidation de Vannes Olympique Club (VOC) se jouait, en Afrique, une autre affaire faisait couler beaucoup d’encre. Sébastien Ajavon comptait parmi ses relations Gabriel Améyi, le fantasque et puissant patron du football togolais qui l’aurait escroqué en lui revendant une demeure déjà vendue à une autre de ses relations !
Marc Deschamps
(*) Le prénom a été changé pour garantir l’anonymat du témoin à sa demande.