Autrefois voyager n’était accessible qu’aux lecteurs ou aux aventuriers. Les premiers ne savaient du monde que les histoires glanées par les seconds, ces audacieux. Bien installés dans leur fauteuil, ils s’envolaient en pantoufles, sans attacher leur ceinture, vers de lointaines contrées pour découvrir au fil des pages les traditions et usages de ceux que l’on croyait sauvages, humer des parfums épicés, admirer les verts saturés des forêts tropicales ou s’éblouir au blanc vif des plages ensoleillées. Acapulco, Capri, Carthage n’étaient alors que des noms à murmurer les yeux brillants de visions enchantées.
Puis, il y a eu le xxe siècle et son lot d’avancées sociales et technologiques offrant à un public de plus en plus nombreux la chance de rêver éveillé. Les terres les plus reculées ont semblé s’approcher et les plus impénétrables s’ouvrir à nos curiosités. Saisis de frénésie, comme après un long jeûne, nous nous sommes goulûment jetés sur les merveilles de la planète. Inconsidérément.
Aujourd’hui, dégrisés, un peu rassasiés, nous avons le temps de penser. Et le devoir aussi. Pour éviter que la beauté de notre monde ne s’éteigne, et pour que le voyage mérite encore nos rêves.
Ainsi ne peut-on que saluer cette nouvelle volonté de transformer le tourisme en une industrie généreuse, soucieuse de l’environnement, des peuples et de leurs spécificités. Pour redonner du sens, de la valeur, aux voyages qui ne forment pas que la jeunesse. Pour qu’il ne s’agisse plus d’enchaîner les destinations à cocher sur une todo list, de « planter sa tente » n’importe où, de repartir n’importe quand et peu importe les suivants. Le tourisme de demain, aux multiples visages – vers les autres ou vers soi, en pleine nature ou en ville, seul ou accompagné, pour travailler ou pour buller – s’annonce donc plus humain. Il est fait pour durer.
Ces intentions et développements en disent long sur notre époque et notre civilisation qui imparfaites cependant vont en s’améliorant.
Le rêve, bientôt vraiment à la portée de tous
Paris, la capitale la plus visitée au monde, accueille ces jours derniers le Salon mondial du tourisme à la porte de Versailles. Ses différents espaces prouvent si besoin était que cette industrie en plein boum est aussi en révolution. Parmi les exposants, j’ai choisi de mettre en vedette celui dont le titre à lui seul est déjà un programme – quel programme ! –, Tourisme et Handicap.
Ce pavillon porte le nom d’une jeune association – elle n’a encore que trois ans – qui travaille d’arrache-pied à gagner du terrain aussi bien dans les consciences que dans les réalités. Se voulant à la fois outil d’information et de sensibilisation, elle œuvre tous azimuts. D’abord en direction des professionnels du tourisme, qu’elle encourage à développer des offres adaptées aux personnes handicapées. Puis vers les consommateurs, à l’intention de qui elle a créé un label sorte de garantie d’accessibilité.
Malgré une présence timide dans un espace réservé, l’initiative promet. Rien que par son existence, elle nous laisse présager d’heureuses évolutions vers un temps où les handicaps n’en seront plus vraiment pour ceux qui souhaitent conquérir de nouveaux horizons. Repousser leur propre limite. Ou simplement jouir comme tous des plaisirs du tourisme.
Il s’agit bel et bien d’une nouvelle avancée dans la conquête des libertés.