Rencontre avec Vincent Hybois, directeur sportif du tir à l’arc handisport en France, pour évoquer une discipline aux nombreuses vertus.
Que représente le tir à l’arc handisport en France en terme de licenciés et de niveau ?
Entre 350 et 370 personnes sont licenciées à la Fédération française handisport. Si on ajoute les licences loisirs, le chiffre monte à 800. Sur l’arc classique, nous nous situons autour de la septième place mondiale, derrière (entre autres) la Russie, l’Italie, l’Angleterre, la Turquie ; sur les arcs à poulies, les États-Unis dominent.
Quelles catégories sont ouvertes aux Jeux paralympiques ?
Il y en a trois : l’arc classique (femmes/hommes), l’arc à poulies (femmes/hommes), et le W1 (pour les tétraplégiques). En équipes, on a le mixte. Seul l’arc classique est ouvert aux JO chez les valides.
24 pays sont représentés lors des championnats d’Europe de Saint-Jean-de-Monts du 2 au 10 avril prochain : y a-t-il eu une progression depuis la dernière compétition de ce type – il y a six ans – organisée en France ?
Des nouvelles nations arrivent, de l’ex-bloc de l’Est notamment. Chez les déficients visuels, d’autres pays poussent aussi comme la principauté d’Andorre.
Cela signifie que les progrès techniques permettent déjà d’accueillir des archers aveugles ?
C’est déjà le cas, oui. Ils tirent grâce à une potence : au sol, on pose un repère pour placer les pieds, aligner le corps et il y a un viseur tactile (boule, pointe, cylindre de 1 à 1,5 cm…) sur lequel ils viennent positionner leur mains. Deux catégories internationales existent, même si elles ne sont pas homologuées pour les Jeux olympiques, car les arcs équipés de systèmes électroniques demeurent interdits. Ce sera peut-être en démonstration lors des JO de Tokyo en 2020.
Votre discipline est pratiquée pour ses vertus thérapeutiques dans les centres de rééducation : par quels biais ?
C’est toujours une notion de défi, avec une cible à atteindre. Nous testons les capacités actuelles de la personne. On utilise ce qui fonctionne et on compense ce qui ne fonctionne pas. Chez les paraplégiques, il y a une totale liberté des membres supérieurs. Il faut aussi rappeler qu’il s’agit d’une activité individuelle et sans opposition, on peut donc répondre à toutes les demandes : sans vision, avec un bras… La dimension humaine/sociétale permet aux fauteuils roulants d’avoir la même cible qu’une personne âgée ou un enfant… Tout le monde peut partager l’entraînement : la distance est à aménager mais le pas de tir est constant.
Tous les arcs sont-ils accessibles à tous les handicaps ?
On a des arcs classiques et d’autres à poulies. En fonction des handicaps, on privilégie l’un ou l’autre. Ils sont déterminés par une taille et une puissance, on adapte la puissance à la personne. Pour les personnes en fauteuil, la taille de l’arc classique peut être un frein car il touche la roue du fauteuil, il faut donc privilégier un arc plus court ou un arc à poulies, moins difficile à manœuvrer. L’objectif est toujours que l’activité procure du plaisir.
Les distances sont-elles les mêmes que pour le tir à l’arc « valide » ?
Les règles de l’arc, classique et à poulies, sont les mêmes chez les valides et non-valides. En revanche, en W1 (qui existe seulement chez les handicapés) on tire sur une cible de même diamètre, 80 cm, mais avec plus de zones : de 1à 10 (les arcs à poulies vont normalement de 5 à 10).
Qu’est-ce que le tir à l’arc avec support ?
Cela fait partie des moyens d’accueillir le plus grand nombre de personnes. Il faut mettre l’arc en tension, viser, libérer la flèche. Par exemple, dans le cas d’une personne complètement handicapée comme dans le film Intouchables, on voit ce qu’elle peut mettre comme force sur la table, c’est-à-dire… rien. Donc, pour tendre l’arc, on substitue la force du fauteuil (qui recule et est placé à droite ou à gauche) à celle de la personne. Quand la personne est prête, elle fait un signe des yeux, mord dans une pince à linge et ainsi déclenche le tir.
Quelle est la part d’archers en fauteuil roulant ou avec handicaps auditifs ?
Aux championnats de France en salle, qui ont eu lieu le week-end dernier à Reims, sur 120 archers, 5 étaient sourds, plus de 50 en fauteuil et une trentaine, déficients visuels. Celle qui a gagné en arc classique n’a qu’un bras et tire donc avec la bouche.