Le 26 septembre 2015, Juan Manuel Santos, président de la République colombienne, et Rodrigo Londoño (alias « Timochenko »), chef des Farc, avaient annoncé aux Colombiens et à l’opinion publique internationale leur souhait de signer un accord définitif sous un délai de six mois, soit au plus tard le 23 mars 2016. Nous y sommes, mais la signature promise, l’annonce du cessez-le-feu, n’aura pas lieu aujourd’hui et plusieurs questions restent en suspens.
Il y a différentes raisons à la crise que traverse aujourd’hui le processus de paix colombien. Les désaccords sont dus en premier lieu à la question des Zones démilitarisées, zones où les membres des Farc vont devoir déposer les armes. Sur ce point, le Congrès colombien a approuvé le 9 mars dernier une loi d’ordre public qui encadre juridiquement leur définition. Cette loi désormais adoptée, il faut que les Farc reconnaissent les conditions qu’elle fixe et acceptent de s’y soumettre. La nouvelle législation détermine la superficie des zones démilitarisées, et leur position, loin des territoires habités par la population civile. Seuls les représentants des Farc seront autorisés à quitter les zones, etc.
La deuxième cause de désaccord entre les parties est le « plébiscite pour la paix ». En effet, le gouvernement souhaite valider les accords de paix par vote des Colombiens. Les Farc, défavorables à cette procédure, prônent la création d’une Assemblée constituante et proposent, même, d’envisager un changement constitutionnel.
Quels sont les autres freins à la signature ?
Plusieurs autres questions ont provoqué le mécontentement des négociateurs, nourrissant par là même le scepticisme des Colombiens face aux accords de paix. Ainsi, le gouvernement a reproché aux Farc de ne pas avoir respecté le protocole d’encadrement des « missions pédagogiques » (les négociateurs des Farc étaient autorisés à venir depuis La Havane présenter aux civils et aux combattants l’avancement du processus). En effet, plusieurs membres de la guérilla sont arrivés armés à la rencontre « pédagogique » organisée le 18 février au village du Conejo, déclenchant de fortes critiques.
Le deuxième sujet de discorde concerne la proposition qui aurait été faite par Carlos Arturo Velandia du Groupe ABC-Paz. Velandia est un ex-membre de l’ELN (Ejército de Liberación Nacional, deuxième guérilla marxiste de la Colombie). Son document intitulé « ABC – Paz pour le processus de paix en Colombie » propose la réinsertion des Farc à travers l’intégration dans les forces armées des guérilleros démobilisés. Ainsi, chaque guérillero pourrait retrouver dans l’armée régulière un statut ou grade équivalent à celui qu’il avait chez les Farc. La révélation de ce document par l’armée colombienne ayant provoqué un tollé chez les militaires, les politiciens, les membres de la société civile et dans les médias, le gouvernement et les négociateurs des Farc se sont empressés de démentir qu’une telle proposition soit discutée dans le cadre des négociations de la Havane.
Par ailleurs, un autre sujet cristallise les tensions. Les Farc réclament des sièges au sein des différentes instances politiques (Sénat, Assemblées régionales et départementales, etc.) pour au moins deux mandatures, et ce sans passer par des élections.
Le processus suit son cours
En dépit de ces difficultés, le processus suit son cours et vient de recevoir le soutien des États-Unis à l’occasion de la visite du président Obama à Cuba. John Kerry y a rencontré les négociateurs des Farc et le président Juan Manuel Santos. Le secrétaire d’État américain a exhorté les deux parties à mettre de côté leurs différends pour parvenir à un accord et donner ainsi « le signe d’une profonde transformation en Amérique latine ». En acceptant de dialoguer avec la guérilla, John Kerry a témoigné d’un tout nouveau positionnement des États-Unis face au conflit colombien quitte à s’attirer les foudres d’une partie de la population. Certains restent en effet hostiles à ce processus de paix qui positionnerait, selon eux, l’organisation terroriste en interlocuteur légitime. Malgré le report de la signature, l’implication internationale, avec les arbitrages conjoints de Cuba et des États-Unis, relance les négociations.