Opinion Internationale a rencontré Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée Nationale et député Europe Écologie-Les Verts de Paris. Il nous donne son éclairage sur l’avenir du nucléaire en France. Cet entretien inaugure des rendez-vous politiques réguliers dans la perspective des élections présidentielles.
Cinq ans après le triste anniversaire de l’accident nucléaire de Fukushima, la question du nucléaire fait plus que jamais débat. Ségolène Royal a choqué il y a quelques semaines en annonçant que l’exploitation de certaines centrales pourrait être allongée de dix ans. Interrogée sur la question de la transition énergétique le 6 mars dernier, alors qu’elle était l’invitée du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI, la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse annonçait que François Hollande voulait voir Fessenheim fermée d’ici la fin de l’année 2016. Ce qu’Emmanuel Macron démentait deux jours plus tard, tout en confirmant le lancement de la procédure de fermeture pour l’année 2016. En effet, expliquait-il, le processus étant long, il était impossible pour l’instant de fixer un calendrier précis.
C’est dans ce contexte d’incertitude que nous avons interrogé le député EELV Denis Baupin pour la 10e circonscription de Paris. Selon lui, depuis Fukushima, la perception du nucléaire a changé en Europe. Suite à une demande du Conseil européen en mars 2011 de réaliser des « tests de résistances de sûreté », l’Autorité de sûreté nucléaire française a instauré l’évaluation complémentaire de sûreté (ECS). Néanmoins, Denis Baupin reste prudent : « Fukushima, c’est possible en France, c’est même probable ». En tant que rapporteur sur la loi de transition nucléaire, il considère que ces évènements auraient dû amorcer le mouvement permettant de passer de 75 à 50 % la part du nucléaire dans la production énergétique française. D’autant plus que le nucléaire coûte cher. Un rapport de la Cour des comptes a démontré que le coût d’entretien s’était multiplié par quatre, soit plus de 100 milliards si EDF voulait rénover toutes ses centrales (de 3 à 5 milliards par réacteur). Autant d’argent que les écologistes aimeraient voir réinjecté dans les énergies renouvelables. Une seule solution pour atteindre l’objectif des 50 %, fermer plusieurs centrales. « Il faut fermer en priorité les installations les moins sûres » estime le député EELV, à commencer par Tricastin qui a déjà montré des signes de fissure. Cette transition doit également passer par une mutation d’EDF. L’entreprise ne peut plus investir dans le nucléaire, sous peine de se retrouver remplacée par des entreprises privées étrangères plus performantes dans le domaine des énergies renouvelables.
Le 9 Mars, Denis Baupin prenait la parole à l’occasion des Questions au gouvernement et interrogeait Ségolène Royal sur le futur d’EDF : « Il est encore possible de sauver EDF à condition de regarder vers l’avenir et non pas vers son glorieux passé ». Ce à quoi la ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer a répondu en insistant sur les créations d’emplois générées par la vente des EPR, argument classique de la classe politique lorsqu’elle rechigne à avancer sur la question. À noter que Ségolène Royal a lancé le 9 mars 2015 les travaux de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, une période d’évaluation durant laquelle l’ensemble des intéressés devra faire l’état des lieux de l’énergie en France. Le PPE devrait aboutir à la présentation d’un décret et d’un rapport au Parlement d’ici la fin de l’année.