Dimanche prochain, les électeurs péruviens seront appelés aux urnes à l’occasion des élections générales. Ils éliront notamment le futur président de la République qui gouvernera jusqu’en 2021. L’occasion de faire le point sur les enjeux des élections et les défis à relever par le prochain gouvernement.
Depuis la fin des années 1990, le Pérou a connu un développement économique intense, avec une croissance annuelle moyenne de 6,29 %. Le taux de pauvreté a diminué, passant de 55,6 % de la population en 2005 à 23,5 % en 2014. Parallèlement, le pays a consolidé son système démocratique. Néanmoins, comme bien souvent, la croissance économique n’a pas profité à l’ensemble de la population et le Pérou reste marqué par de profondes inégalités et un ensemble de problèmes structurels qui font de l’ombre à la durabilité de son modèle politique et social. Le futur gouvernement devra donc s’atteler à réduire ces inégalités, en s’attaquant notamment au travail informel, qui concerne 65 % des travailleurs péruviens. Cette informalité a pour conséquence que la moitié des Péruviens, dépourvue de protection sociale, accède difficilement aux soins. Un autre volet de la lutte contre les inégalités serait l’amélioration du système éducatif, le Pérou occupant la dernière place du classement « Pisa » (2013) qui compare les niveaux d’éducation de 66 pays en mathématiques, sciences et lecture.
Résoudre les problèmes d’insécurité
Outre les inégalités, l’insécurité est une des préoccupations majeures de beaucoup de Péruviens, bien que les taux de criminalité du Pérou soient inférieurs à ceux d’autres pays de la région. Une grande partie des citoyens considère que la situation s’est aggravée durant le mandat d’Ollanta Humala qui quittera ses fonctions le 28 juillet prochain avec 14 % d’opinion favorable. Ainsi, la diminution de la criminalité a été un des thèmes centraux de la campagne électorale, et la majorité des candidats y sont allés de leurs promesses en la matière. Keiko Fujimori, en tête des sondages avec 30 % des intentions de vote, prévoit pour sa part notamment d’augmenter le nombre de prisons et de pénaliser les délits mineurs par des travaux d’intérêt général. Ses autres priorités seront la lutte contre la corruption, l’emploi des jeunes et l’accès à l’eau.
Écologie, changement social et démocratique
On peut regretter que la plupart des candidats aient pour objectif de pérenniser le modèle industriel actuel, à savoir le développement économique basé sur les ressources minières du pays. L’industrie minière (argent, or, zinc, cuivre, etc.), qui représente actuellement 14 % du PIB, est pourtant responsable de nombreux troubles sociaux et dommages environnementaux. Cette gestion des ressources naturelles ne sera pas remise en cause par le prochain gouvernement, qui ne pourra cependant ignorer les attentes des populations locales aux niveaux social et environnemental. Aucun des candidats à la présidentielle ne fait non plus du changement climatique sa priorité, il sera pourtant nécessaire de l’inclure dans les futurs débats et projeter une loi, ratifiant l’Accord de Paris né de la COP21.
D’autres défis importants, comme le renforcement du système démocratique ou la modernisation de l’administration publique, sont aussi incroyablement absents des propositions des candidats : une situation alarmante alors que les indicateurs de confiance sont au plus bas. 83 % de la population ne se considèrent représentés par aucun parti politique et moins de 30 % font confiance aux pouvoirs législatif et exécutif. De toute façon, pour beaucoup de Péruviens, l’issue de ces élections générales n’apportera pas de changement majeur. César, vingt-neuf ans, se rendra aux urnes ce dimanche sans aucune conviction : « l’État péruvien est tellement corrompu que ce n’est pas une personne qui fera la différence » affirme-t-il.
La corruption, ce n’est un secret pour personne, préoccupe beaucoup aussi le peuple péruvien, et pour cause : Jorge Yoshiyama, financier de Keiko Fujimori, est impliqué dans l’affaire des Panama Papers, par exemple, tout comme des proches de l’ancien président Alan Garcia et de l’ex-candidat à la présidentielle César Acuña. Face à de telles révélations, comment ne pas donner raison à César ?