L’Assemblée générale de l’Onu a auditionné les candidats à la succession de Ban Ki-moon. L’Onu se lance dans un marathon diplomatique dont elle a le secret.
Après deux mandats de cinq ans et de bons et loyaux services, Ban Ki-moon s’en ira le 1er janvier 2017. Saluons le diplomate sud-coréen qui n’a pu, certes, empêcher aucune guerre, ne stopper aucun accès d’humeur ou d’orgueil mal placé des nations les plus puissantes, mais a su incarner l’idéal des Nations unies, porter une parole morale, éthique, dans un monde toujours aussi violent et apprendre le français, langue officielle des Nations unies, en un temps record. Pendant son mandat, l’Onu aura réussi quelques coups de maître comme la COP21 qui, sous présidence française, a relancé le processus international de lutte contre le réchauffement climatique.
On ne peut reprocher à Ban Ki-moon son bilan. Car si l’on croit que le secrétaire général de l’Onu a tous les pouvoirs, il n’en a (presque) aucun, tant le Conseil de sécurité les concentre tous. Comme il est de bonne guerre à la tête de cette institution, le bilan du secrétaire général, c’est surtout le bilan du conseil de sécurité…
Le dernier mot au Conseil de sécurité
Le mode de nomination du successeur de Ban Ki-moon est limpide en la matière. L’article 97 de la Charte des Nations Unies stipule que « le Secrétaire général est nommé par l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ». En d’autres termes, l’article 97 crée un processus en deux étapes : une recommandation du Conseil de sécurité suivie par une décision prise par l’Assemblée générale.
Pour les huit secrétaires généraux qu’a comptés l’Onu depuis sa création en 1948, la décision de l’institution démocratique (l’Assemblée générale) ne fut qu’une formalité. Tout se jouait au niveau de l’organe politique et exécutif (le Conseil de sécurité).
Cette fois, innovation et audace démocratique, l’Assemblée générale a obtenu, avant le passage en juillet des récipiendaires devant le Conseil, d’auditionner en public les candidats à la succession de Ban Ki-moon. Les neuf candidats ont même répondu à des questions présélectionnées de la société civile. Les débats pouvaient être suivis sur twitter.
Ces auditons devaient permettre, selon Mogens Lykketoft, président en exercice de l’Assemblée générale, de changer la donne. On imagine qu’elles ont au moins permis de faire un premier tri. En juillet, les choses sérieuses commenceront : votes à bulletin secret, conciliabules devant les quinze membres du Conseil de sécurité, dont les cinq permanents, on le sait, ont toujours un droit de veto… Il est toutefois bon de nommer les dix membres non permanents qui auront leur mot à dire dans le choix du nouveau secrétaire général : Angola, Égypte, Espagne, Japon, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Sénégal, Ukraine, Uruguay, Venezuela.
Imaginez si, dans la foulée de ces innovations de cette semaine d’auditions publiques, le processus légal avait été totalement inversé : à l’Assemblée générale de voter et de choisir son candidat. Et au Conseil de sécurité d’avaliser le choix proposé par l’Assemblée souveraine… On aurait pu imaginer aussi que les innombrables organisations de la société civile accréditées à l’ONU présentent leur candidat… Autant rêver d’une autre organisation des Nations unies…
Une femme d’Europe orientale pour succéder à Ban Ki-moon ?
Alors, qui pour succéder à Ban Ki-moon ? Deux critères émergent : nommer une femme et/ou une personnalité d’Europe de l’Est, selon la tradition d’un turn-over sur l’origine géographique des secrétaires généraux. Au nom de ces deux critères, l’actuelle directrice de l’Unesco, la Bulgare Irina Bokova – avec laquelle l’auteur de ces lignes a consacré deux années de sa vie, de 2005 jusqu’à leur libération en 2007, à faire connaître le sort des infirmières bulgares condamnées à mort en Libye –, est clairement favorite.
L’ex-Première ministre de Nouvelle-Zélande Helen Clark, qui dirige le Programme des Nations unies pour le développement, est une candidate redoutable. L’ancien haut-commissaire de l’Onu aux Réfugiés, le Portugais António Guterres, l’ex-président slovène Danilo Türk, d’anciens ou actuels chefs de la diplomatie des Balkans, Madame Vesna Pusic (Croatie), Madame Natalia Gherman (Moldavie), Srgjan Kerim (Macédoine) et Igor Luksic (Monténégro) sont également en lice.
Ces auditions publiques auront donné le ton et feront certainement émerger les candidats les plus talentueux. Car au final, être secrétaire général, c’est être un excellent porte-parole des valeurs de l’Onu, un très bon communicant pour mobiliser l’opinion internationale quand la politique s’emballe et que la violence prend le pas sur la paix et le respect mutuel…