Constituer des conseils d’administration performants est censé être une des préoccupations importantes des actionnaires. Évidente pour les grands groupes, cette politique l’est parfois moins dans le cas des PME.
C’est pourtant un moyen peu coûteux, pour ces affaires qui souvent ne peuvent pas s’offrir le conseil de cabinets extérieurs, de bénéficier de l’appui de personnalités expérimentées, en général prêtes à aider généreusement. Cela requiert bien sûr de bien les utiliser et les faire travailler ensemble. Dans cette recherche de compétences, on ne pensait que rarement jusqu’ici à recruter des femmes pour apporter dans ces conseils une approche complémentaire de celle de leurs homologues masculins. Ayant été président des Anciens HEC (Alumni), j’ai participé à la création du groupement « HEC au féminin ». Cela m’a permis de découvrir des cadres féminins de très grande qualité, membres de comités de direction, à qui personne ne songeait à offrir des sièges dans des conseils. Cela est vrai pour toutes les autres écoles, qu’elles soient scientifiques ou de management.
Selon une étude ancienne pourtant, les entreprises dont les comités (ou par extension les conseils…) connaissaient une parfaite parité hommes/femmes s’avéraient plus performantes que les autres. Elle n’a malheureusement été que peu considérée.
Aujourd’hui les pouvoirs publics sont décidés à accélérer la féminisation du monde économique. Des quotas ont été fixés. Certains le déplorent. Il faut au contraire y voir une occasion pour les entreprises de se moderniser et notamment pour les PME. Ces dernières doivent saisir la balle au bond : une course contre la montre est engagée pour recruter des femmes de qualité !
L’heure tourne : un véritable « lady boom » est en marche dans les conseils d’administration français. Les patrons du CAC 40 ont intégré cette nouvelle donne et ceux de l’indice SBF 120 aussi. Mais qu’en est-il des autres ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que le temps passe… Trouver les candidates adéquates supporte mal l’improvisation de dernière minute. Or pour reprendre un mot de l’homme politique et journaliste Émile de Girardin : « Ne pas prévoir, c’est déjà gémir ! »
Les retardataires doivent se réveiller, ne serait-ce que pour ne pas tomber sous le coup des sanctions prévues en cas de non-respect de la loi. Il y en a au moins trois : la nullité des nominations non conformes à l’objectif de parité, la suspension des versements de jetons de présence et le risque d’être écarté des appels d’offres publics.
Que les petits patrons qui croulent sous le poids de la paperasserie et des règlementations diverses et variées se rassurent : le secteur privé n’est pas le seul visé… En effet, la loi Sauvadet du 12 mars 2012 oblige de la même manière les établissements publics à ouvrir aux femmes les postes de cadres dirigeants à hauteur de 40 % d’ici 2017.
Cette féminisation du monde des affaires reflète une évolution profonde de notre société. En 2013, les femmes gagnaient en moyenne 24 % de moins que les hommes. Mais ce pourcentage passe à 9,9 % lorsque la comparaison est faite sur des secteurs d’activité, âges, catégories socioprofessionnelle et temps de travail identiques. L’écart se réduit et surtout les entreprises ont largement intégré le fait que la mixité était un facteur de performance.
Aujourd’hui, selon Marie-Jo Zimmermann, la part des femmes siégeant dans les conseils d’administration et de surveillance a grimpé à 34,8 % pour les sociétés du CAC 40 et à 33,3 % pour celles du SBF 120. La députée (LR) de la Moselle se dit convaincue que l’objectif des 40 % sera atteint en 2017, même si certaines sociétés ayant déjà atteint ou dépassé ce seuil (comme Engie par exemple) font grimper l’actuelle moyenne.
Mais ce n’est rien par rapport aux centaines d’administratrices qu’il faut trouver pour les PME, les fondations, les établissements publics ou les chambres de commerce dont beaucoup n’ont pas réalisé qu’ils allaient bientôt tomber sous le coup de la loi.
L’échéance approche et le chemin qui reste à parcourir requiert un engagement fort des membres des conseils, des assemblées et du management. On peut déplorer à cet égard que les femmes soient encore peu présentes dans les comités exécutifs. Ces « comex » sont les vrais centres de décision, d’influence, d’animation et d’impulsion des stratégies des entreprises. La part des femmes y progresse trop faiblement : un peu plus de 10 % aujourd’hui contre 8,5 % il y a cinq ans.
C’est dans les « comex » que l’on repère et recrute bien souvent les futurs administrateurs. Or, 56 % des femmes de ces comités exécutifs sont DRH, directrices de la communication, directrices juridiques ou secrétaires générales… Elles occupent ainsi des postes qui conduisent moins naturellement que d’autres aux conseils d’administration.
Certes de nombreuses femmes se méfient de la politique de quotas mise en place par la loi Copé-Zimmermann et d’une façon ou d’une autre, elles s’autocensurent. Mais les esprits évoluent et trouver des administratrices volontaires et compétentes ne relèvent pas du tour de force. Les cabinets de recrutement travaillent d’arrache-pied, les réseaux féminins s’activent et les viviers de candidates s’étoffent. Le projet « Femmes au cœur des conseils » notamment concentre ses efforts sur l’objectif « parité ».
Encore faut-il que les patrons concernés par le « lady boom » – trop souvent absorbés par leurs multiples tâches – s’intéressent au sujet et s’en emparer au plus vite. Car s’il est impossible de rattraper le temps perdu, il est de mauvaise politique de gaspiller le temps qui reste !
Maurice de Kervénoaël, président des champagnes Laurent-Perrier, auteur de « Le Manoir des Lannélec »