Bien plus jeune que l’Américaine Lindsay Vonn, Marie Bochet pourrait pourtant dépasser la meilleure skieuse de l’histoire chez les « valides ». Un exemple qui en dit long sur le talent et la motivation de la Française qui, ce soir à Berlin, pourrait glaner un deuxième Laureus Award.
Votre handicap de naissance a-t-il contribué à forger votre mental de championne ?
Je ne vis pas ma situation comme un handicap ; j’ai toujours été placée au même niveau que les valides : par ma famille, mes coachs et les enfants de mon âge. Ma force mentale s’est constituée au fil des ans.
Lors de la reprise de l’entraînement à l’automne dernier, Mickaël Charrière, coach de l’équipe de France handisport, parlait de « corriger les petits défauts que vous avez encore ». Évoque-t-il la technique ?
On a corrigé certaines choses, mais je ne suis pas au bout des progrès. Je dois surtout améliorer mes entrées de courbes, et ce n’est pas forcément lié à mon handicap.
Pourquoi n’aimez-vous pas l’automne ?
C’est un peu compliqué car on s’entraîne sur les glaciers, on tourne en rond sur les mêmes tracés, toujours à travailler et remettre en cause notre technique, c’est une période de chamboulement. Je préfère l’hiver et les compétitions.
Comment expliquer cette progression fulgurante entre les JO de Vancouver en 2010 (2 fois 4e) et ceux de Sotchi en 2014 (4 médailles d’or) ?
J’ai travaillé pendant ces quatre années et donc progressé. En 2010, j’étais jeune et pas encore à la maturité de mon sport, d’ailleurs je ne sais pas si je l’atteindrai en Corée… ou jamais ! Et puis, je bénéficie de l’aide d’un psychologue du sport, que je vois quand j’en ressens le besoin.
Vous avez remporté toutes vos courses cette année en Coupe du monde (17 sur 17) et êtes invaincue depuis trois ans en championnats du monde : quel challenge vous êtes-vous fixé ?
Je n’ai pas l’habitude de m’en fixer et si je le faisais je ne l’annoncerais pas. Il n’y a rien de défini, je vois saison après saison.
Vous avez reçu un Laureus Award en 2014 des mains d’Éric Cantona : que représente pour vous ce trophée et le champion qui vous l’a remis ?
J’étais fatiguée, je rentrais des jeux de Sotchi, mais ce fut vraiment impressionnant, d’autant que c’est un prix prestigieux, international, même s’il est moins connu en France. Quant à Cantona, je connaissais de nom le personnage et l’athlète : c’est un sacré bonhomme !
N’avez-vous pas l’impression de ressembler à Lindsay Vonn, dans votre manière de dominer votre discipline ?
Elle a des qualités impressionnantes et une force mentale déstabilisante car elle sait toujours répondre présente, c’est difficile de comprendre comment elle fait, même si on en a discuté à Val d’Isère. Est-ce que je suis pareil ? Je ne sais pas. Mais je touche du bois car, de mon côté, je n’ai pas eu de grosse blessure !
Le regard sur le ski féminin a-t-il changé depuis son avènement ?
C’est un ensemble de choses et de personnes qui font que le sport féminin gravit les échelons. Il y a beaucoup de sportives qui prouvent son intérêt : certaines équipes féminines en sports collectifs, et en ski Anna Fenninger (Ndlr : devenue Anna Veith ce week-end et qui a annoncé son retour à la compétition sous son nom de femme mariée) comme Lindsay ont une grande notoriété.
La dépasser sur le plan des victoires fait-il partie de vos objectifs ?
Je ne sais pas si j’y arriverai et même si je fais plus de compétitions. Je ne suis pas là pour battre tous les records, je ne m’y attache pas. Peut-être qu’on en parlera si j’y parviens. Deux jours avant de passer le palier de mes 50 victoires, je n’y pensais même pas…
Vous avez obtenu l’Eurotest (1ère étape pour l’obtention du DE de ski) à seulement 21 ans, vous songez donc déjà à votre reconversion ?
Forcément, je réfléchis à l’après-carrière. C’est assez utile car je souhaiterais transmettre ma passion, en coachant autant les jeunes que les adultes. C’est une façon de concrétiser les années d’entraînement. Si j’arrête, c’est pour avoir un rythme de vie différent et pas pour parcourir la planète avec d’autres sports. Je resterai plus calme !