Le Centre de droit et d’économie du sport a placé Limoges au cœur de la France du 20 au 22 avril en y organisant les premiers Défis du Sport. Trois jours d’échanges pour évoquer l’impact du sport sur les plans économique, social, culturel et médiatique. Huit débats et neuf ateliers pour aborder les enjeux majeurs du sport dont la place des femmes au sein des instances, la reconversion et la santé des sportifs, la déontologie des dirigeants et le rôle des médias.
Morceaux choisis de ce forum amené à se dérouler tous les deux ans.
SUR « COMMENT DÉVELOPPER LE SPORT FÉMININ ? »
Valérie Fourneyron (présidente du Comité santé, médecine et recherche à l’Agence mondiale antidopage et ancienne ministre des Sports) : « Il fallait une volonté politique à tous les niveaux, on ne fait jamais rien seul. En 2012, dans les conventions collectives avec les fédérations, on avait imposé un plan de féminisation. C’est donc aussi une volonté collective, et si les résultats sont là c’est grâce à chacun, et surtout chacune. »
Béatrice Barbusse (présidente du Conseil d’administration du CNDS) : « Il faut aller chercher des femmes ailleurs, dans la banque, dans le BTP, la société fait évoluer le sport et le sport fait évoluer la société. Les femmes doivent prendre conscience que pour elles c’est possible, on a besoin de femmes auxquelles s’identifier, comme Alice Milliat grâce à qui nous pouvons participer aux JO. Nous faisons partie de l’histoire du sport depuis plus d’un siècle, comme vous Messieurs ! »
Brigitte Henriques (secrétaire générale de la Fédération française de football) : « Un accompagnement est nécessaire car les femmes ont besoin de plus de temps pour assumer ces nouveaux champs de compétences vers lesquels elles veulent aller. On est partis sur le double projet de la joueuse : athlète de haut niveau et projet professionnel. »
SUR « COMMENT PROTÉGER LA SANTÉ DES SPORTIFS ? »
Valérie Fourneyron : « Selon une étude menée sur les participants olympiques depuis 1946 et au Tour de France depuis 1947, les anciens olympiens gagnent sept ans de durée de vie, et les cyclistes cinq, par rapport au reste de la population. »
Fabien Pelous (directeur sportif du Stade toulousain, recordman de sélections en équipe de France de rugby) : « On doit aborder deux plans : le médical et le rythme des compétitions. Pour le médical, étant donné que les joueurs pensent les compléments alimentaires indispensables à la performance, on a mis un système en place pour ne pas qu’ils prennent n’importe quoi. Quant aux compétitions, elles doivent être organisées de manière à laisser des plages de récupération aux joueurs afin de ne pas trop tirer sur la corde, cette harmonisation demeure primordiale. »
Stéphane Diagana (double champion du monde d’athlétisme) : « On arrive à une limite à l’impact, pourquoi dans certains sports ne pas limiter le poids ? Il faudrait faire des études épidémiologiques, produire et analyser des données, et émettre des recommandations pour voir si cela diminue les pathologies (sur les cervicales, par exemple) »
SUR « COOPÉRATION OU COMPÉTITION ENTRE LES INSTANCES SPORTIVES NATIONALES ET INTERNATIONALES ? »
Patrick Wolff (président de l’Association des ligues de sport professionnel) : « Selon Bruxelles, le sport est une activité économique comme les autres. Cette donnée rompt l’équilibre de base, car ce n’est pas uniquement une activité comptable et financière : il y a le sport, le sportif, les spectateurs, et après il y a la finance. Le sport, c’est un arbre : les racines sont le sport amateur, et le sommet l’équipe nationale. Le système est décrié mais sécurisé, même si on est plus vulnérables sur les menaces des ligues fermées qui vont bouger tout le monde. »
Dick-Reiner Martens (juge aux juridictions de la Fédération internationale de l’automobile) : « Le basket est mon sport, je ne suis pas neutre (Ndlr : il est le coauteur du contrat NBA/FIBA écrit il y a plus de vingt-cinq ans). Si le but de certains (en Europe) est de créer une ligue fermée comme la NBA aux États-Unis, cela signifie une formation (des joueurs) assurée par les États et les fédés au profit d’une ligue fermée qui ne reverse rien. Si l’on accepte la concurrence totale, le risque est de ne pas se développer ; aujourd’hui il y a trois ou quatre champions poids lourds de boxe : est-ce cela que l’on veut ?
SUR « COMMENT GARANTIR LA DÉONTOLOGIE DES DIRIGEANTS SPORTIFS ? »
Ulrich Haas (membre du Tribunal international arbitral du sport et de la commission indépendante de réforme du cyclisme) : « La première règle antidopage a été établie en 1923. Pour que ça fonctionne bien, il a fallu attendre 2005. Beaucoup de gens sont conscients du devoir d’exemplarité, mais c’est aussi la limite de l’autoréglementation : chaque changement arrive après un scandale lié au dopage ou à la corruption, comme celui qui a touché la Fifa. Pour lutter contre la corruption, il faut pouvoir tracer l’argent, on doit regarder toute la chaîne du financement même si c’est plus problématique au niveau international. Les commissions d’éthique donnent des recommandations mais elles ne peuvent pas mener une investigation car elles sont contrôlées par le comité exécutif. Aussi, elles doivent être renforcées et ne pas accueillir des personnes qui étaient dirigeants avant. »
Bernard Foucher (président de la Chambre arbitrale du sport au sein du CNOSF) : « Les comités ou commissions d’éthique sont des bidules creux. J’ai encadré la charte de déontologie du rugby et je le fais actuellement à l’Union cycliste internationale, et j’ai essayé de faire comprendre qu’il faut des gens extérieurs à l’Uci ; il faut un contrôle des candidats car aujourd’hui personne ne contrôle véritablement. »
Massimo Coccia (membre du Tribunal international arbitral du sport) : « Comme disait Aristote, la vertu est un juste milieu entre deux vices. Oui, le mot-clé est « contrôle » mais il faut aussi utiliser les athlètes pour qu’ils défendent leur sport. Enfin, côté mandats, je pense que huit ans c’est suffisant pour monter un projet. »
SUR « QUELS MÉDIAS POUR QUELS SPORTS ? »
Jean-Pierre Mougin (vice-président délégué du CNOSF) : « Notre objectif est que tous les Français puissent accéder à l’ensemble des sports. On a eu des images des épreuves féminines et du handisport, on a eu des magazines… On travaille en collaboration avec l’Équipe 21 et les fédérations avec des frais de financement partagés : un tiers pour les fédés, un tiers pour l’Équipe 21, un tiers pour le CNOSF. »
Grégory Nowak (rédacteur en chef adjoint, service des sports de Canal +) : « On peut diviser les médias en trois parties : Canal +, les chaînes 100 % sport qui font de la quantité, et les chaînes généralistes qui investissent sur de l’évènement pour devenir une référence sur une thématique particulière (l’équipe de France de foot pour TF1, le Tour de France et Roland-Garros pour France Télévisions). 70 % des abonnés affirment venir à Canal + pour le sport, mais le streaming et l’arrivée de la fibre, avec ses images de meilleure qualité, sont des menaces pour nous car la consommation de la télé change complètement. »
Vincent Pellegrini (journaliste à France Info) : « Sur le plan national, des championnats comme le Top 14 de rugby et la Ligue 1 de foot ne sont pas payants, mais c’est plus difficile au niveau international : une finale de ligue des champions coûte 30 000 euros, aux derniers championnats du monde de handball aucune radio française n’était présente. On est donc loin de la parité (avec la télé) et il reste beaucoup à faire. »