Le chanteur Prince vient de disparaitre. Ceux qui ne le savaient pas ont, à cette occasion, découvert que l’artiste, après avoir été un des premiers à utiliser Internet pour vendre sa musique à la fin des années 1990, s’était retiré de la sphère numérique, le mercredi 26 novembre 2014, fermant ses comptes Twitter, Instagram, Facebook, YouTube… En quelque sorte, il avait mis un terme à sa vie numérique, « passé la connexion à gauche »…
Prince a donc eu le temps de faire le ménage sur le web avant de disparaître. Quid du commun des mortels qui, très souvent, oubliera de respirer sans avoir eu l’occasion de statuer sur le devenir de ses données à caractère personnel ? Il arrive de recevoir, sur un réseau social, une notification d’anniversaire d’une de vos connaissances… décédées. Ça refroidit. Comment donc sont gérés les morts dans le monde du virtuel ?
Les options qui s’offrent à nous diffèrent selon les réseaux.
Facebook, par exemple, avait au départ opté pour la fermeture du compte, dès qu’amis ou proches du défunt signalaient, preuves à l’appui, la disparition d’un titulaire de compte. Il reste cependant difficile d’associer un certificat de décès de « la vraie vie » à un pseudo ou des pseudos multiples utilisés par un internaute défunt.
Le réseau de Zuckerberg a par ailleurs ouvert la possibilité de transformer le compte de feu l’internaute, en compte de commémoration où ses amis pourront partager souvenirs, photos, anecdotes… ainsi que toute pensée en son honneur. Un véritable cimetière virtuel en partage…
Facebook autorise également le titulaire du compte à désigner un légataire qui l’aidera à gérer, d’outre-tombe, son compte et, de ce fait, ses données à caractère personnel. Chateaubriand aurait pu décliner des mémoires d’outre-facebook…
Google + offre quant à lui le choix entre le préparamétrage de fermeture du compte et sa transmission à un légataire.
Nous ne sommes probablement qu’aux balbutiements de l’organisation par l’internaute de son post mortem numérique… to connect or not to connect.
Cette dimension funéraire accorde aux réseaux sociaux un véritable statut de registre d’état civil, voire de population, enregistrant tous les événements d’une vie. Vous pouvez y trouver entre naissance et décès, les formation, déménagement, mariage, divorce… en d’autres termes : toute une vie…
Finalement, de véritables pompes de données à caractère personnel, les réseaux sociaux se transformeront, peut-être, dans un avenir pas si lointain, en base de certification, fournissant attestations ou même certificats.
Possibles dérives et avenir
Constituant la quatrième communauté confessionnelle des États-Unis, les mormons, s’appliquent à établir les arbres généalogiques en vue de rétrobaptiser leurs ascendants décédés, et ce pour toute famille, à l’échelle mondiale.
La collecte des données à caractère personnel doit en principe, et selon les législations européennes en particulier, répondre à l’exigence du consentement de l’internaute concerné, relativement à la finalité annoncée par le collecteur de ces données. Pourrez-vous, cependant, et ce n’est qu’un exemple, empêcher le rétrobaptême de l’un de vos ancêtres à partir de données récoltées via des réseaux sociaux…
Un réseau social comme Facebook n’est-il pas en train de se transformer en registre des évènements humains, future base d’une gouvernance mondiale d’un autre genre ? Le jour où nous en prendrons conscience, sera-t-il encore possible de faire machine arrière ?
Omar SEGHROUCHNI, Associé fondateur de StragIS, spécialiste des architectures des systèmes d’information.