Les scandales de pédophilie se succèdent à la une de l’actualité. À tel point qu’on pourrait penser qu’il s’agit non de faits divers mais bien de faits de société. Celle qui nous préoccupe ici se serait déroulée dans un Institut médico-éducatif.
Mardi 3 mai dernier, Homayra Sellier, présidente de l’association mondiale Innocence en danger, a invité la presse pour l’informer d’une nouvelle affaire.
Entre 2012 et 2015, neuf jeunes handicapés, enfants et adolescents, parmi eux deux autistes, auraient été victimes d’agressions sexuelles, dans certains cas de viols, à l’IME Les Nivéoles de Voiron en Isère. Trois éducateurs sont en cause.
Les plaintes, posées au printemps 2015 auprès du procureur de la République et du tribunal de grande instance de Grenoble, étaient à ce jour – un an plus tard – demeurées sans réponse. Maître Sayn, avocat de cinq des familles, confiait que les parents vivaient une situation pénible, confrontés quotidiennement à la parole et la souffrance de leurs enfants d’une part, au silence et à l’indifférence de la justice de l’autre. Pas de réponse, mais des échos, selon lesquels on s’orientait vers un classement sans suite. Sur la foi de cette seule rumeur, l’institut Les Nivéoles avait réintégré deux des éducateurs en cause.
Maître Sayn, par ailleurs, a dénoncé les méthodes d’interrogatoire des victimes. « La parole d’un handicapé demande à être recueillie par des personnes spécialisées capables de la décrypter selon le handicap. » Cela aurait été négligé, selon l’avocat des familles, et constituerait un manquement, en termes de procédure. Les parents qui préfèrent garder l’anonymat, pour ne pas être importunés, considèrent eux aussi que la parole de leurs enfants a été mal entendue, voire méprisée.
L’avocat a ensuite présenté certains éléments qui selon lui corroboraient les faits. La cohérence temporelle : les agressions se seraient déroulées au cours d’une période clairement définie. La cohérence personnelle : les mêmes trois éducateurs ont été désignés par différents enfants, séparément. De plus, l’un des éducateurs incriminés ici a été mis en examen, dans le cadre d’une autre affaire, pour détention d’images à caractère pédopornographique.
Madame Lubart, de l’association Envol Isère Autisme, présente elle aussi à cette conférence de presse, a pour sa part insisté sur la spécificité, prouvée scientifiquement, de la parole livrée par des personnes autistes, incapables de fabuler, d’évaluer l’impact possible de leur parole et de juger des actes en termes de « bien » ou de « mal ». Ces personnes, a-t-elle affirmé, peuvent seulement décrire les faits tels qu’elles les ont vécus ou en ont été les témoins, et ce qu’elles en ont éprouvé. Madame Lubart a reproché aux enquêteurs de n’avoir pas attaché toute son importance à cette particularité.
Enfin, maître Grimaud, avocate de l’association Innocence en danger, a affirmé détenir un rapport de Agence régionale de santé dans lequel des dysfonctionnements au sein de l’IME dont il s’agit ici auraient été signalés, notamment dans le recrutement du personnel d’encadrement.
Après avoir insisté sur sa confiance totale dans la parole de ces enfants, Homayra Sellier a lu le courrier, poignant, d’un des parents. Il y racontait en détail comment et dans quelles circonstances son enfant lui avait révélé ce qui lui était arrivé. Une lettre parmi d’autres a précisé la présidente d’Innocence en danger.
Plus tard, dans cette journée du 3 mai, les familles apprenaient par médias interposés la décision du parquet de Grenoble de classer l’affaire sans suite.
Interrogée depuis au sujet de la conclusion inattendue de cette affaire, Homayra Sellier nous a informé de ce qu’elle et son association se constituaient partie civile. « Par cette décision, le procureur de la République envoie un message grave pour les handicapés de France. Nous sommes tous décidés à poursuivre notre action, nous a-t-elle confié. Il est tout à fait impensable que ces crimes demeurent impunis. »