International
13H05 - mercredi 18 mai 2016

Israël à l’heure de Cannes

 

La ministre israélienne de la Culture, Miri Regev, a fait sensation lundi lors de sa montée des marches dans une robe – oui, on en parle dans ce genre d’événements – signée Dror Kontento, un designer israélien. La ministre a exprimé sur Facebook sa « grande fierté » de représenter à Cannes, avec des artistes de grand cru, le cinéma israélien.

Crédit photo : Gilbert Bochenek

Crédit photo : Gilbert Bochenek

La semaine dernière, le 12 mai, Israël était en congé pour fêter son anniversaire, soixante-huit ans, cette année. Le jour de l’indépendance, Yom Hatsmaout en hébreu, se déroule une semaine après le jour de l’holocauste, et le lendemain de celui du souvenir, Yom Hazikaron, pour que le peuple israélien n’oublie jamais d’où il vient. Ce jour-là, Israël a pu ouvrir les portes de son premier pavillon au village international du festival de cinéma le plus glamour du monde. Moins connu du public que les défilés de stars en décolletés griffés, le village international est un lieu stratégique du cinéma mondial. C’est là que se rencontrent, échangent et négocient les faiseurs de cet art – qui est aussi une industrie – de pays à pays.

Le pavillon qui rend hommage, toute la durée du festival, à Ronit Elkabetz, actrice culte en Israël, disparue le mois dernier à l’âge de cinquante et un ans, a été inauguré par un imam, un rabbin et un prêtre catholique. C’est une occasion unique, a expliqué le directeur artistique de ce pavillon Raphaël Barbibay, pour le cinéma israélien de se présenter sous toutes ses facettes, depuis la formation jusqu’à la production classique de longs et courts métrages, sans oublier les jeunes espoirs et le multimédia. À travers son cinéma, Israël espère révéler une autre image de sa culture et de sa société, d’où l’importance de la part qui lui est allouée dans le budget de l’État. « Le plus important est que nous fassions connaître notre pays, sa créativité, sa démocratie… » insiste Yossi Sharabi, directeur général du ministère israélien de la Culture et du Sport.

En cette l’année 2016, Israël s’enorgueillit de deux sélections pour le prix du jury Un Certain Regard. Le premier film de la réalisatrice Maha Haj, Personal Affairs, traite de la vie ordinaire d’une famille arabe éclatée géographiquement entre Israël, la Suède et la Cisjordanie. Rien d’ordinaire en effet, mais c’est le quotidien. Un film dont les critiques reconnaissent la finesse tout en lui reprochant de façon détournée de n’être pas assez virulent envers Israël, de ne pas ressembler à ce qu’ils attendaient du film d’une réalisatrice arabe israélienne. Le second film israélien de cette sélection n’est pas l’œuvre d’un nouveau venu. Il s’agit d’Eran Kolirin, réalisateur de La Visite de la fanfare, qui lui avait valu nominations et prix, dont celui du Jury Un Certain Regard 2007. Derrière les montagnes et les collines suit les dérapages incontrôlés des membres d’une famille. Entre adultère de la mère, bouleversements professionnels du père et amour (impossible ?) de la fille, activiste pro-palestinienne, avec un Arabe, le réalisateur semble vouloir imposer au spectateur israélien un examen de conscience, une réflexion sur son pays, sa société et ses dysfonctionnements.

Autre premier film à l’honneur cette fois de la Quinzaine des réalisateurs, One Week and a Day, d’Asaf Polonsky, raconte le deuil de parents. Ils viennent d’enterrer leur fils et, selon la tradition, sont restés sept jours durant enfermés, ensemble et en eux, à pleurer leur défunt. Ensemble et seuls dans leur douleur. Le lendemain du dernier jour, la vie reprend son cours, et chacun doit y replonger, chacun à sa manière. Le réalisateur a su, les critiques sont unanimes, raconter cette histoire, ce drame, avec humour. Et c’est là, dans ce ton, qu’il aurait réussi avec son coup d’essai un véritable coup de maître.

Enfin, la Semaine de la critique a sélectionné Le Journal d’un photographe de mariage, un film de 40 minutes de Nadav Lapid. Ce réalisateur, considéré par certains comme un des plus talentueux de sa génération, relate le « plus beau moment de la vie » de deux femmes à travers leur interaction avec le photographe chargé de le documenter. Pas si beau le plus beau moment, ni tellement joyeux, selon Nadav Lapid, qui utilise le mariage pour révéler les failles de la société israélienne.

Décidément, cette année, les artistes israéliens semblent vouloir s’attaquer au pilier que représente la famille dans leur pays.

Et parce que le cinéma ne quitte jamais, ou presque, la une en Israël, demain 19 mai, sera donné le coup d’envoi du festival international du film documentaire Doc Aviv et ses dix jours intensifs de cinéma à Tel Aviv.

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