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12H01 - jeudi 19 mai 2016

La France, mauvaise élève de la liberté de la presse

 

Malgré une tradition assez forte d’indépendance du journalisme, le couperet est tombé le 3 mai, date de la Journée mondiale de la liberté de la presse : la France est relayée à la 38ème place du classement mondial de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières, perdant sept places. Même constat pour l’organisation américaine Freedom House, qui fait perdre à la France 5 places au classement, la plaçant en 28ème position, au même rang que la Pologne dont le gouvernement conservateur a resserré l’emprise sur la presse cette année en adoptant une loi lui permettant de nommer et destituer les responsables des différents médias du pays.

Crédit : Carlos Matuff

Crédit : Carlos Matuff, domaine public

Pourquoi une telle dégringolade dans ces deux classements ? Bien évidemment, l’attentat qu’a connu Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 a fait peser en France une menace sans précédent sur la liberté d’expression. C’est selon RSF « la pire exaction commise envers des journalistes sur le sol européen ». Mais les conséquences de cette tragédie ont également inquiété la presse. La loi sur la surveillance adoptée en mai par le Parlement et approuvée par le Conseil constitutionnel en juillet permet aux autorités de surveiller plus librement les données personnelles sur Internet ainsi que les communications sur mobiles, menaçant par là même le travail des journalistes. Dans le cadre de l’état d’urgence, certains députés avaient même déposé un amendement visant au contrôle de la presse et de la radio par les préfets, une disposition qui datait de la loi 1955, votée en pleine guerre d’Algérie. Bien heureusement, le Parlement l’a abrogé le 19 novembre dernier. Le 14 mai, Mannone Cadoret, photographe indépendant connu sous le pseudonyme de « NnoMan », s’était vu notifié par la préfecture une interdiction de couvrir les manifestations contre la loi El Khomri. Son avocat avait dénoncé une « grave atteinte à la liberté de la presse ». Le tribunal est revenu sur cette décision le matin du 17 mai, jour des manifestations.

Outre la paranoïa des dirigeants politiques, une nouvelle hostilité vis-à-vis des médias se serait développée en France. Au sein de la population, une nouvelle forme de crainte et d’opposition à la presse serait de plus en plus constatée. L’organisation note en effet que de nombreux journalistes se sont fait agresser alors qu’ils couvraient des manifestations. Un tel épisode a d’ailleurs pu être observé lorsque deux équipes de Canal Plus ont été malmenées par les militants ainsi que par le service d’ordre du Front National lors des traditionnelles célébrations du 1er mai dernier.

Une victoire mitigée est à noter pour la liberté de la presse en France : celle qui a vu l’avocat Olivier Morice, le journaliste ainsi que le directeur du Monde être acquittés par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme. Les trois hommes avaient été attaqués en justice pour diffamation par les juges d’instruction Roger le Loire et Marie-Paule Moracchini après que Me Morice les eut accusé d’avoir « un comportement parfaitement contraire aux principes d’impartialité et de loyauté ». Triste de constater qu’il aura fallu 15 ans d’un long procès et l’intervention d’une instance extranationale pour que soit assurée la liberté d’expression des magistrats ainsi que de la presse.

Enfin, les deux organisations (RSF et Freedom House) notent que l’acquisition de grands groupes de presse par des financiers est également une menace. Elles craignent en effet que les intérêts financiers priment sur l’indépendance éditoriale. L’arrivée de Vincent Bolloré à la tête de Canal Plus a fait trembler les rédactions du groupe. Celui-ci aurait en effet interdit la diffusion de plusieurs enquêtes jugées contraires aux intérêts du groupe et de ses partenaires. A noter également l’acquisition en juin 2015 de l’Express par Patrick Drahi après celle de Libération et de NextRadioTV.

Ce sentiment d’insécurité semble avoir été global dans le monde de la presse en 2015. Le 2 mai dernier, David Chavern, président de la Newspaper Association of America, avait interpellé Ban Ki-Moon afin qu’une autorité soit créée au sein des Nations unies pour défendre les journalistes.

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