Si une course cycliste porte son nom, c’est bien dans le ski, l’automobile et la voile, que Luc Alphand a forgé sa réputation de touche-à-tout talentueux.
D’où vous vient ce goût de la vitesse ?
La vitesse, on l’a en soi !
Mais pourquoi avoir débuté par le ski, avant d’enchaîner avec l’automobile et la voile ?
Pourquoi j’ai commencé par le ski, c’est difficile à expliquer. C’est certainement une histoire de gènes, parce que je suis de la montagne, mais si j’étais né près d’un circuit, j’aurais peut-être fait de la moto… D’ailleurs, j’ai toujours bricolé avec mon frère, j’aime la mécanique, on a fait du trial, de l’enduro. L’automobile, ça m’a vraiment plu. J’aime la prise de risques et la gestion du stress. Et aussi l’engagement auquel il faut être prêt. Quant à la voile, j’avais envie de refaire du sport après mon accident, pour être moins à la recherche du haut niveau que d’aventures et de découvertes. J’ai gardé des séquelles physiques et avec l’âge (Ndlr : Luc a cinquante et un ans), il est difficile d’avoir les mêmes velléités et la même envie qu’avant, donc le résultat passe après. Quand vous n’êtes pas loin du fauteuil roulant, vous changez de philosophie !
Comment décririez-vous ces trois disciplines, en dehors de toute notion sportive ?
Le ski est ludique, c’est un sport de glisse qui se pratique dans des environs souvent magnifiques. La montagne change à chaque instant, c’est magique ! Regardez les nageurs : compter le carrelage au fond de la piscine, c’est moins drôle…
L’automobile, c’est la vitesse, la mécanique, la technologie. Tu dois apprendre pour comprendre comment marche la machine si tu veux bosser avec les ingénieurs. C’est une discipline qui n’a pas beaucoup d’équivalents, car les moyens engagés pour sa recherche et son développement sont importants.
La voile, enfin, est à la croisée de pas mal de milieux avec tous les éléments de la nature qu’il faut respecter. Marc Thiercelin m’a un jour dit : « La mer, elle te laisse passer ou elle ne te laisse pas passer ». Il y a moins de moyens mis en œuvre qu’en automobile, excepté pour la coupe de l’America, mais il y a des passerelles communes comme ce compromis à trouver entre légèreté et fiabilité. C’est un domaine super pointu.
Que recherchez-vous le plus quand vous vous lancez dans un sport : la maîtrise, l’aventure, ou le dépassement de soi ?
Les trois. Le dépassement de soi un peu moins, car j’ai plus de cinquante ans. Mais l’engagement est toujours là. La notion d’apprentissage également, pour encore une fois se remettre en question en recommençant à zéro.
En ski, vous êtes seul, en voiture vous avez un copilote, en voile vous pouvez vous retrouver à plusieurs : cette évolution au fil des années est-elle due à un désir croissant d’aller vers les autres ou de partager des émotions ?
La notion d’équipe en ski existe aussi car, neuf mois sur douze, on est avec les entraîneurs, les kinés… Et l’ambiance générale d’un groupe influe sur les résultats d’ensemble.
Partager une victoire au Dakar avec son copilote, c’est aussi fort. Cela développe des relations plus intenses et plus profondes, c’est le fruit d’un travail fourni aux côtés d’une centaine de personnes au sein d’une grosse équipe (ex : Mitsubishi).
En voile, j’ai fait du double et en équipage, c’est « redoutable » car tous les caractères ressortent. Mais il faut savoir souffrir un peu. Je pense être assez sociable sur le fond, même si on a tous nos « quarts d’heure ». Et je ne suis sans doute pas le plus difficile à vivre. Le sport est d’ailleurs une super école pour la vie.
L’air est le seul élément (avec le feu !) auquel vous n’avez pas encore été confronté : est-ce votre prochain défi ?
Je n’ai pas ma licence de pilote mais j’ai volé avec l’armée de l’air pendant quatre ans. C’est encore un engin mécanique et le châssis acier avec des coques en carbone rappelle un peu les voitures de course. J’ai côtoyé les gens et le milieu, le peu que j’ai pu faire était vraiment génial. Et la France a un super niveau en voltige aérienne.
Un petit mot pour Ari Vatanen, le parrain de la rubrique Esprit Sports ?
On s’est croisés la première fois au rallye Paris-Dakar, et je me souviendrai toujours de sa question : « Est-ce que tu freines du pied gauche ? » Il a ensuite ajouté : « Tu n’arriveras jamais à gagner si tu ne freines pas du pied gauche ». Ça m’a tellement marqué que je me suis entraîné tout un printemps pour progresser sur ce point précis. Et quand j’ai gagné devant lui en Égypte sur BMW, il m’a dit : « Pas mal pour un skieur ! »