Une réforme visant à moderniser la justice est actuellement en discussion au Parlement. L’amendement le plus emblématique, et donc le plus médiatisé, est celui du « divorce sans juge », adopté jeudi 19 mai. Pourtant, un deuxième amendement a été adopté dans la même journée. Il vise à simplifier le processus de changement de sexe dans l’état civil pour les personnes transsexuelles et transgenres.
En 1992, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’inflexibilité de sa législation sur la question du transsexualisme. Le principe de « l’indisponibilité de l’état des personnes » rendait la notion de sexe immuable dans l’état civil. À la suite de cette condamnation, la France avait opéré un revirement de jurisprudence. Depuis et jusqu’à présent, la procédure nécessitait que soient présentés des documents médicaux prouvant que le demandeur avait bien subi une opération de stérilisation et/ou de réassignation sexuelle. Les conditions s’étaient assouplies en 2010, le ministère de la Justice ayant appelé par une circulaire à ce que soient seulement prouvées « l’irréversibilité des changements entrepris » et « la réalité du syndrome du transsexualisme ».
L’objectif étant de doter la France d’une « justice du xxie siècle », les nouveaux amendements adoptés dans la réforme s’emploient à alléger la démarche et surtout la démédicaliser. Désormais, le requérant devra apporter devant un tribunal de grande instance des documents prouvant son appartenance au sexe opposé à celui de son acte de naissance. Et l’absence de documents médicaux ne suffira pas à justifier un refus. En d’autres termes, les transgenres et transsexuels n’auront plus à prouver documents à l’appui les changements entrepris. De plus, le tribunal devra rendre sa décision dans les trois mois, contre jusqu’à deux ans auparavant.
Pour les associations LGBT, cette réforme est en demi-teinte, voire la « pire loi votée dans un pays d’Europe », comme l’a confié au Monde Delphine Ravisé-Giard, présidente de l’ANT, Association nationale transgenre. Elle reproche notamment à la loi de continuer à considérer l’aspect médical comme critère d’appréciation. Ce à quoi Erwann Binet, porteur de la loi, répond qu’un document médical permet aux personnes isolées de justifier de leur condition.
L’ANT presse le gouvernement de réviser la loi, réclamant que le changement de sexe sur l’état civil se fasse de façon libre, gratuite, et autodéterminée, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays d’Amérique latine et au Québec. Erwann Binet rappelle qu’en France, « on n’est pas propriétaire de son état civil ». En effet, selon la loi française, un individu ne peut modifier son identité juridique sans passer préalablement par une instance judiciaire.
L’ANT regrette de n’avoir pas été assez consultée dans le cadre de l’élaboration de cette réforme qui ressemblerait plus, selon elle, à une pirouette dont le propos est d’éviter une nouvelle sanction de la CEDH. La frustration des associations face à cette réforme est d’autant plus compréhensible qu’il aura fallu à la France 24 ans pour avancer sur la question.