International
17H19 - lundi 13 juin 2016

L’Estonie, pays dépendant de l’Otan mais beau joueur

 

Les forces armées russes continuent d’augmenter leur pression sur l’Estonie, qui contribue tant qu’elle peut aux efforts de l’Otan. L’attitude musclée de la France en matière de défense fait l’admiration du gouvernement de ce pays. 

Crédit photo : Anthony Jones, US Army

Crédit photo : Anthony Jones, US Army

Le ministre estonien de la Défense, M. Hannes Hanso, en visite le mois dernier à Paris, a accueilli Opinion Internationale dans son ambassade. L’Estonie est membre de l’Otan, dont le sommet se déroulera les 8 et 9 juillet à Varsovie. Une telle rencontre se prépare évidemment à l’avance, aussi Hanso s’est lancé dans la tournée des capitales. Car l’Estonie – pays, d’un 1,3 million d’âmes, un peu plus grand que la Suisse mais sept fois moins peuplée – a un sérieux problème actuellement : la multiplication des intimidations russes dans ses espaces aérien et maritime. Des violations quotidiennes, selon M. Hanso. Il affirme que les avions militaires russes volent au-dessus de la Baltique sans transpondeurs ! Les radars militaires les détectent, pas les radars civils.

Il peut y avoir cinq alertes dans une même journée, surtout des violations de règles de vol, et parfois rien pendant une semaine. Cela n’a rien de normal. La Russie mène ce genre de manœuvres aussi contre la Suède et la Finlande, qui n’appartiennent pas à l’Otan car ces pays sont neutres [les intrusions des sous-marins russes dans les eaux suédoises sont elles aussi fréquentes].

Hannes Hanso, ministre estonien de la Défense – Crédit photo : Harold Hyman

Tout comme ses voisins baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie forment ensemble ce qu’on appelle les pays baltes. Linguistiquement, la Lettonie et la Lituanie sont très proches, comme l’Estonie et la Finlande), ce pays, incorporé de force à l’Union soviétique en 1940, nourrit contre le Kremlin  de sérieuses préventions. En outre, en plus des Russes ayant choisi de vivre en Estonie pendant les vingt-deux ans d’indépendance (1918-1940), le régime soviétique déporta un dixième de la population estonienne pour installer à sa place des Soviétiques venus d’autres Républiques, essentiellement mais non exclusivement russe. Ainsi, l’Estonie et la Lettonie se retrouvèrent avec des minorités russophones d’environ un tiers de leur population. Au début de  l’indépendance retrouvée en 1991, ces minorités vécurent très mal le nationalisme culturel et linguistique résurgent de ces nouveaux États. Le grand problème pour les russophones était la pratique de ces langues difficiles qui leur restaient inconnues car elles n’étaient pas enseignées du temps de l’URSS. Jusqu’aujourd’hui, cette minorité – dont l’importance s’est réduite depuis lors – fait encore figure de cinquième colonne russe. Vu du Kremlin, elle est maltraitée. Je passe sur les séquelles de la Deuxième Guerre mondiale, les Russes accusant les Estoniens d’avoir servi le Troisième Reich, les Estoniens reprochant aux Russes d’être de cruels et despotiques envahisseurs. 

 

En France, le ministre estonien de la Défense se sent en terrain ami, car ne l’oublions pas, sur la scène internationale, la République française est pro-Otan, au point d’en être un pilier. Hanso convient que la France a défendu diplomatiquement l’indépendance ukrainienne, qu’elle a maintenu sa garde militaire en ne réduisant pas ses effectifs, qu’elle est intervenue singulièrement et utilement dans le Sahel et en Centrafrique, qu’elle prend la cyberdéfense au sérieux. Les deux États viennent d’ailleurs de signer un accord technique de coopération dans ce domaine, les attaques sur les réseaux étant connues des Estoniens. En effet, ils ont subi la première grande attaque sur réseaux en 2007, vraisemblablement depuis le territoire russe.

 

Heureusement, note Hanso, que l’Otan a prépositionné des troupes alliées dans les pays baltes selon un système de roulement. Cela rassure les Estoniens.

« Tout ceci n’existait pas avant les guerres en Géorgie (2008) et Ukraine (2014 à nos jours) […]. L’Estonie ne veut pas d’une nouvelle guerre froide. Mais il y a 300 000 soldats russes le long des frontières des pays baltes. Et nous n’avons qu’un bataillon multinational de l’Otan pour nous aider. » C’est pourquoi les Estoniens sont soumis à l’obligation du service militaire, et les dépenses militaires représentent à 2 % du PIB. C’est-à-dire la fourchette haute dans l’Otan. Et l’Estonie a épaulé la France en Centrafrique en envoyant une grosse section (autour de 55 hommes). 

 

Enfin, comment la société estonienne vit-elle ces tensions ? Qu’en pensent les Estoniens ? Leurs avis diffèrent-ils selon leurs origines, autochtone ou soviétique ? Hanso fait référence à de récents sondages : 80 % de la population soutient la présence de l’Otan, 60 % des russophones et 90 % des Estoniens ethniques.

 

Finalement, se défendre, inviter l’Otan à installer un commandement « cyber » de haut niveau sur le sol estonien, et espérer – sans le dire – que l’Élysée ne se rapprochera pas trop du Kremlin, cela m’a semblé être ce dont le ministre est venu s’assurer. Il est sûrement au diapason avec les autres gouvernements européens hostiles au Kremlin, avec une différence : son pays ne peut même pas imaginer rester indépendant sans l’Otan. 

 

Les 8 et 9 juillet 2016, le sommet de l’Otan aura lieu à Varsovie. L’Otan, dite également Alliance atlantique, est l’organisation militaire que l’on connaît, et aussi une organisation civile que l’on connaît moins – avec un programme scientifique et civil et des réunions dans ce qui s’appelle l’Assemblée parlementaire de l’Otan. Bref, il s’agit de toute une culture, dans laquelle la partie américaine ne domine ni tout ni même la majorité. C’est seulement en cas d’agression frontale contre un des 29 membres de l’Alliance que l’Otan devrait automatiquement réagir militairement et que le commandant des troupes, installé à Bruxelles, serait un général américain. Les chefs d’États de tous les alliés se mettraient d’accord sur la stratégie, puis le commandant américain (appelé Saceur, Supreme Allied Commander Allied Forces Europe, dans une belle référence à la Deuxième Guerre mondiale) mènerait les opérations, ayant déjà la main sur le plus gros contingent national que constituent les forces américaines.

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