L’assassinat, revendiqué par l’État islamique, de deux policiers le 13 juin dans les Yvelines a créé une vive émotion.
L’attaque abominable d’un commandant de police des Mureaux devant chez lui puis celle de sa compagne, elle-même fonctionnaire au commissariat de Mantes-la-Jolie, a suscité l’émoi et l’inquiétude dans les rangs des forces de l’ordre. Après le drame, on a découvert que l’assassin, Larossi Abballa, était parfaitement connu des services de renseignement ayant déjà été condamné à une peine de prison en 2013 dans le cadre d’une affaire de recrutement pour le djihad. L’homme avait repéré sa cible, planqué devant son domicile et l’avait probablement filé pour connaître ses habitudes et celles de son épouse. Armé d’un couteau, il a poignardé le commandant de police devant chez lui avant d’entrer et d’égorger sa femme devant leur fils de trois ans. Il s’est ensuite retranché, a pris le temps de filmer le massacre et de poster sa vidéo sur le Net. « Je ne sais pas encore ce que je vais faire de lui », a-t-il affirmé en posant devant le petit terrifié. Arrivés sur place, les policiers du Raid ont finalement donné l’assaut vers minuit. L’enfant est sain et sauf. Sur place, les policiers d’élite ont retrouvé une liste de cibles (rappeurs, journalistes, policiers), trois téléphones et trois couteaux.
Ce n’est pas la première fois que les policiers sont pris pour cible par les terroristes
Le mode opératoire de ce double meurtre fait penser à celui des années 1980 en Irlande du Nord ou plus récemment au Pays basque, lorsque les policiers étaient la cible privilégiée des terroristes de l’Ira ou de l’Eta. En France, il faut remonter à la guerre d’Algérie pour trouver des similitudes avec l’attaque de Magnanville. Alors que des affrontements opposaient FLN et OAS en métropole, des dizaines de policiers avaient été assassinés devant chez eux ou dans le métro. Au début, il s’agissait surtout de policiers affectés à la lutte antiterroriste, plus aisément accessibles. Ensuite, le port de l’uniforme a suffi pour être ciblé. Albert, policier retraité qui a bien connu cette époque, se souvient : « Notre hiérarchie nous avait autorisé à rentrer armés chez nous. Des collègues remontaient les marches de certaines stations de métro arme au poing tellement on vivait dans la crainte des attaques. »
Ce qu’écrivait Le Monde le 29 septembre 1961 :
« Le terrorisme, dont pâtissent certes en premier les musulmans, n’épargne pas les métropolitains. Les forces de police, qui étaient demeurées durant quelques semaines, à l’occasion des pourparlers de Lugrin, à l’abri des attentats sont de nouveau prises pour cible. On a noté que la recrudescence de cette forme de terrorisme coïncidait avec le changement intervenu au sein du GPRA. En sont victimes certains fonctionnaires de la sûreté qui ont eu à s’opposer au FLN mais aussi — et c’est la majorité des cas — des agents ou officiers de police que leur seul uniforme a désignés. Depuis quatre ans, soixante et un membres de la police ont été tués, et 384 blessés, sur l’ensemble du territoire métropolitain. Le FLN a-t-il voulu se livrer ainsi à des actes moins difficiles à accomplir que les attaques d’installations pétrolières ou portuaires où, l’effet de surprise passé, il courut vite à un échec ? Il le semble bien. »
Longer les murs… sans courber l’échine
Pour Pierrick, brigadier de police à Paris, les syndicats et la hiérarchie policière doivent faire évoluer les mentalités. « Trop de collègues ne prennent aucune précaution en quittant leur service. D’autres ne se privent pas d’informer leurs voisins de leur profession de policier. Ces comportements sont aujourd’hui à proscrire. Les policiers doivent redoubler de prudence, habiter hors de leur zone d’intervention, éviter tout signe extérieur d’appartenance au corps des policiers, comme par exemple les autocollants de leurs mutuelles sur les pare-brises de leurs voitures personnelles. Les policiers doivent aussi modifier leurs habitudes de déplacement, dans la mesure du possible ne pas utiliser les mêmes trajets aux mêmes horaires. » Le policier recommande aussi d’être prudent sur les réseaux sociaux. Les noms de certains policiers figurent sur des procès-verbaux « googlisés ». N’importe quel individu malveillant peut ainsi rapidement récupérer une grande quantité de données sur eux, leurs activités sportives, leurs habitudes de vie, voire leur adresse personnelle et le prénom de leurs enfants. « Certains de mes collègues, notamment ceux qui exercent dans des services spécialisés ou vivent dans des zones sensibles, domicilient leur correspondance privée – relevés de mutuelle, fiches de paie – à des adresses moins exposées ou carrément dans des boîtes de domiciliation pour éviter que des enveloppes estampillées “ministère de l’Intérieur” ou “Mutuelle de la police nationale” viennent attiser la curiosité de certaines personnes peu recommandables. Nos collègues ne s’en rendent pas toujours compte mais nous sommes une cible facile. Autant réduire le risque au maximum. »
Face à la menace, il faudra aux policiers apprendre à longer les murs… sans courber l’échine.
L’équipe et la Rédaction d’Opinion Internationale adressent leurs condoléances à la famille des policiers assassinés, symboles d’une police républicaine.