Droits pratiques
14H09 - jeudi 16 juin 2016

Défenseur des droits mode d’emploi

 

La France foisonne de commissions, observatoires et autorités en tout genre, dont l’utilité peut légitimement faire débat. Devant ce constat, on s’étonnerait presque que le Défenseur des droits ait regroupé, et s’y soit ainsi substitué, plusieurs institutions, la tendance générale étant plutôt à l’empilement.

Crédit photo : ActuaLitté, Wikimedia Commons

Crédit photo : ActuaLitté, Wikimedia Commons

En 2007, il fut d’abord question de remplacer le Médiateur de la République, instauré en 1973, par le Défenseur des droits, qu’on inscrivit même dans la Constitution à l’occasion de la réforme constitutionnelle de 2008, démarche avant tout symbolique. Le fait qu’il soit nommé par le président de la République avait suscité quelques interrogations, non pas sur son indépendance juridique figée dans le marbre constitutionnel, mais sur sa neutralité politique, quand bien même les litiges qu’il traite sont, en principe, éloignés du débat politicien.

Selon l’article 71-1 de la Constitution, « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public ». La Constitution ne s’embarrassant pas des modalités de fonctionnement, ces dernières furent prescrites par la loi du 29 mars 2011, et ses décrets. Ayant alors ajouté à sa mission celle de défense et promotion des intérêts supérieurs et des droits de l’enfant, de la lutte contre les discriminations, le respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité, on fusionna quelques autorités administratives disparates : le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la fameuse Halde, dont les résultats furent mitigés.

L’indépendance du Défenseur des droits le met à l’abri d’instructions émanant de l’exécutif, mais elle ne suffit pas à garantir son efficacité. À bien des égards, il représente principalement une force de proposition, notamment en matière d’évolutions législatives dans les domaines relevant de ses compétences. Mais il peut également s’ériger en médiateur, se déplacer pour vérifier les allégations de victimes de discrimination ou d’atteintes aux intérêts des mineurs, et même saisir le juge des référés – notamment s’il n’obtient pas de réponses à ses mises en demeure – ou le parquet – si les faits constatés ou subodorés relèvent de l’infraction pénale.

En 2015, le Défenseur des droits a été sollicité 120 000 fois, chiffre en augmentation constante, alors que moins de 500 mesures ont été prises, pour l’essentiel des recommandations et propositions de réformes, auxquelles s’ajoutent des observations en justice et quelques saisines du parquet.

À l’image de toutes les institutions de ce type, le Défenseur des droits rend de nombreux rapports, en majorité sur les droits de l’enfant, mais aussi sur de multiples sujets comme la relation citoyens/police, les droits des personnes détenues, les droits des étrangers ou la lutte contre les discriminations. Mais sont-ils lus ? Par qui ? Et en tient-on compte ? Des questions qui se posent, mais évidemment pas seulement pour cette institution.

Si vous souhaitez vous adresser au Défenseur des droits (actuellement présidé par Jacques Toubon) pour un litige individuel, sachez qu’il n’est pas un juge en mesure de sanctionner votre « adversaire ». Il relève davantage de l’amiable conciliateur, du médiateur, et peut s’avérer utile pour débloquer une situation, notamment dans vos relations avec une administration.

Quel qu’il soit, votre contradicteur accordera sans doute davantage de crédit à une lettre émanant d’une institution de la République, dont il peut ignorer les prérogatives, en particulier en termes de sanction. En outre, il est toujours opportun d’envisager une alternative au procès.

Directeur de l'IDP - Institut de Droit Pratique