La conférence interreligieuse du Kosovo 2016 a abordé frontalement toutes ces questions primordiales, qui n’ont pas de réponse instantanée.
La jeune République du Kosovo, née en 2008, est un lieu original : majorité écrasante de musulmans, eux-mêmes majoritairement sunnites mais assez peu observants, même si une minorité d’entre eux se laisse bercer par les charmes du rigorisme. Cela préoccupe le gouvernement, et les prédicateurs les plus virulents, et éventuellement subversifs, ont été arrêtés il y a deux ans. Ils sont 300 Kosovars – sur 1,6 million de musulmans – à participer au djihad en Syrie et en Irak. C’est proportionnellement moins que les 4 à 5 000 djihadistes pour 5 ou 6 millions de musulmans supposés.
Ainsi loin d’être une zone d’exportation de djihad, le Kosovo est un pays d’exportation de tolérance : depuis la fin de la guerre de libération (1999-2000), hormis un très mauvais moment en 2004 – les émeutes interethniques entre Serbes et Albanais ont causé la mort de 19 personnes et la destruction de lieux serbes –, la société n’est pas religieusement fanatisée.
Si bien que d’abord sous la tutelle de l’Onu (qui administra le territoire de 2000 à 2008) puis sous le gouvernement indépendant, un conseil interreligieux a été institué dans le but d’organiser des évènements favorisant la concorde entre Serbes orthodoxes, musulmans de divers courants, et catholiques (d’ethnie albanaise pour la quasi-totalité). En 2016, la cinquième édition d’Interfaith Kosovo autour du thème « Contrer la violence extrémiste faite aux femmes » a réuni 300 personnes à Pristina. Les invités venaient des Balkans, du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord, d’Allemagne ainsi que de Thaïlande, du Panama et de la Nouvelle-Zélande.
Les conclusions ont été variées et utiles, mais malheureusement insuffisamment relayées. Toujours est-il que la communauté Sant’Egidio, association de laïcs reconnue par l’Église catholique, et dont la mission est la prière et plus prosaïquement la promotion de la paix dans le monde, était présente pour livrer un message sur les migrants : il faut les accueillir sans restrictions, et lutter contre la pauvreté et le sous-développement. Car un nouveau pouvoir se constitue dans le monde : les mafias mondialisées qui profitent immensément des migrations qu’elles organisent et exploitent. Les migrants, eux, ne sont pas des terroristes.
Aussi, penser le chemin de la paix par le dialogue interreligieux avec les politiques, les chefs d’entreprise et les acteurs culturels au centre du dialogue. C’est ainsi, nous a rappelé Alberto Quattrucci secrétaire général de Sant’Egidio, que le dégel entre Cuba et les États-Unis a eu lieu. La Communauté qui a participé à de nombreux processus de paix ces dernières années s’est d’ailleurs vu décerner le prix Interfaith Kosovo 2016 au côté du maire de Londres Sadiq Khan tout fraîchement élu, qui n’a pu cependant venir recevoir son prix en personne.
Quelques mots sur le thème de la violence extrémiste faite aux femmes. Plusieurs musulmanes, dont Shahina Siddiqui, présidente de l’Association des services sociaux islamiques du Canada, ont expliqué le dilemme de la femme musulmane en Occident : appartenir à une religion incriminée pour son terrorisme et où la femme est tenue pour soumise, mais aussi une religion où les femmes qui s’expriment pour protester contre l’islamophobie sont suspectées de ne pas prendre le danger terroriste au sérieux. L’islam serait désormais défini par ses criminels, c’est-à-dire Daesh, et c’est très décourageant.
Pour finir sur le thème principal de cette conférence interreligieuse, Mme Alison Davidian, d’ONU Femmes (organisation des Nations Unies dédiée à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes) nous a rappelé que déjà en 2000 le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1325, qui traite de l’impact disproportionné et particulier des conflits armés sur les femmes, et appelle à leur participation à la résolution de conflits. La situation terrible des femmes yézidies notamment, en Irak, rappelle que certains belligérants visent les femmes expressément. C’est un message que les habitants des Balkans entendront : la résolution de conflits ethniques et religieux passe par les femmes car elles en sont les cibles au double titre de civils et de femmes, alors qu’elles devraient participer à la solution. L’on notera que la République du Kosovo a été présidée par une femme, issue des hauts rangs de la police, jusqu’à l’alternance en avril dernier.
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