Derrière la rhétorique électorale, un changement historique majeur se prépare: l’éjection de l’Ecosse, et la dégradation de la puissance maritime britannique
Le Brexit va provoquer un moment IRRATIONNEL d’ultra-patriotisme : les Britanniques seront libérés de l’Union européenne, mais juste le temps qu’il faudra pour que la dissolution du Royaume-Uni soit enclencher.
«Notre meilleure défense est de se démarquer et de sauver l’Europe par notre exemple », voilà ce qu’un général britannique à la retraite, Michael Rose, qui commandait le S.A.S. (unité d’élite de commandos parachutistes), a écrit dans The Telegraph. Un bon soldat ce général, mais géopolitiquement ce qu’il dit est vicié à la base.
L’Union de l’Ecosse et l’Angleterre a été décidée par consentement mutuel des deux parlements nationaux en 1707 et consacré par le Traité d’Union. Le Royaume de Grande-Bretagne est né. En 1800, la deuxième loi de l’Union a été votée, incorporant l’Irlande dans la Grande-Bretagne, créant ainsi le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, aussi connu comme le Royaume-Uni. Tout ceci forme l’Union, comme le disent parfois aussi les Britanniques. Le nom a été inventé en 1800, mais le concept remonte à 1707. Lorsque l’Irlande fut partitionnée en 1921, cela devint le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland), donc la notion d’un royaume à la mesure d’un État souverain, sous forme de monarchie unifiant plusieurs éléments, est maintenue.
Toutefois, les Britanniques sont sur le point de risquer de détruire cette Union, suite à leur répulsion pour une autre Union. Rarement un peuple aussi grandiose a été prêt à prendre une telle mesure mesquine pour enfin tomber dans un piège de leur propre fabrication.
La frustration avec une Union européenne « castratrice » est basée sur deux choses: trop d’immigration (réelle et imaginaire) et trop de dépenses au profit d’autres nations comme la Grèce.
Les considérations géopolitiques rendent cependant le choix référendaire sinistrement simple.
Premièrement: la question de l’OTAN. Les conservateurs pro-Brexit semblent penser que la politique de défense de l’UE est une duplication inutile et même perfide des efforts de l’OTAN. Cette idée, avancée sous George W. Bush, est depuis longtemps enterrée aux États-Unis. En parler est ridiculement anachronique. L’armée britannique a toujours tenu debout toute seule, pensent les Brexits tels que le général Rose. Désolé, mais un pilote de la RAF sur cinq était un Polonais à la bataille d’Angleterre. Aujourd’hui, il y a un désir d’expulser les travailleurs polonais. Une telle ingratitude vient d’une mémoire courte.
Deuxièmement: l’immigration. Y a t-il des hordes d’Afghans, Syriens et Erythréens pressés aux portes de la Grande-Bretagne? Les politiques migratoires de l’UE sont incomplètes, pour être sûr, mais devraient être améliorées et non désavouées. Les migrants sont en mouvement, Brexit ou pas. Les pro-Brexits sont plus préoccupés par l’immigration européenne, et ne voient pas tous les expatriés britanniques en Europe comme une compensation. Provincialisme à la UKIP.
Troisièmement: Renouveler avec le Commonwealth, disent beaucoup de conservateurs. Mais quel est le but de faire revivre ce fantôme? L’Australie a presque rompu avec la couronne dans un référendum en 1999. Au Canada le sentiment pro-Commonwealth est bien flou, et au Québec quasi-nul. Quel compromis fantaisiste que de proposer davantage de Commonwealth pour moins d’Europe? Le reste du Commonwealth est-il même intéressé? C’est Margaret Thatcher qui a rompu les derniers liens organiques avec l’ancien Empire britannique, mettant fin à la préférence impériale en matière de visas et de permis de travail.
Écosse : comment éjecter l’Union
En cas de Brexit, les Écossais vont rapidement re-voter sur un leur propre sortie du Royaune-Uni. Or garder l’Écosse n’était-il pas un objectif majeur de l’UKIP et la totalité du Parti conservateur en 2015? Maintenant l’UKIP et Compagnie sont prêts à provoquer une sortie quasi-certaine de l’Écosse, puisque les Écossais tiendront un référendum consécutif au Brexit. Comment en être si sûr? Parce que Mme Nicola Sturgeon, Premier ministre écossais et chef du Parti national écossais séparatiste, le dit et son électorat l’approuve. Elle soutient néanmoins le « Remain », dans une posture intellectuellement honnête, et rejette la tactique du pire qui serait de voter en faveur du Brexit en vue de précipiter la dislocation de l’Union. Cependant, l’idéologie SNP comprend LA RUPTURE AVEC l’OTAN, ainsi qu’avec le Royaume-Uni. Donc les porte-drapeau atlantistes et nationalistes britanniques doivent prendre conscience du fait que le Brexit affaiblit tout à la fois l’OTAN, les forces armées britanniques elles-mêmes, et la défense européenne. Rappelez-vous: la Royal Navy a besoin des lochs écossais pour ses sous-marins nucléaires. Avec Brexit les bases pourraient être perdues.
Le Royaume-Uni pourrait cesser comme concept, le royaume d’Angleterre renaîtra comme un Etat souverain, perdant 32% de son territoire. La flotte russe n’aurait plus peur d’empiéter sur les eaux territoriales de l’État écossais, qui ne se défendrait pas. Adieu empire glorieux dont tant de conservateurs rêvent.
Si le Royaume Uni s’en va
Alors, où est la stratégie géopolitique? Le Royaume-Uni quitte l’UE, elle se dégage du sauvetage de l’ économie grecque et se libère des règlements européens incohérents qui apparemment l’étouffent – comme si ce genre de règlement idiot n’existait déjà au niveau national. La City, cœur du dynamisme économique de la Grande-Bretagne, ne serait plus une capitale européenne, elle dériverait vers l’isolement juridique.
La conclusion est simple: le merveilleux Royaume-Uni ne pourra plus exister comme tel en dehors de l’UE. Sauvez-vous de l’UE et dans les deux ans, le Royaume-Uni se dissoudra. Est-ce ce que vous voulez, Messieurs les Brexits? J’en connais un que ne s’en effraye point, les Écossais feront comme bon leur semble à la longue et il se sentira débarrassé de ces gens « qui nous tiennent en otage ».
Une nation sera perdue, que je respectais, voire aimais. La marine anglaise et la RAF vont perdre quelque chose, les remplacements écossais ne pèseront rien. Les Écossais étaient si glorieux à l’intérieur des forces armées britanniques …. disparues.
Les Brexits sont devenus réactionnaires, et leur futur royaume diminué ne pèsera pas plus sur la scène mondiale qu’une nation européenne de taille moyenne, et pèsera rapidement moins que la France ou l’Allemagne. Pire encore, la somme de l’Écosse et du nouveau royaume britannique ne pèsera plus comme le Royaume-Uni, et cela n’est pas bon pour l’Europe et l’ Occident tout entier.