Président de Sport & démocratie, journaliste à Canal +, Sylvère-Henry Cissé dresse un bilan à mi-étape de l’Euro 2016. Entretien.
A mi-parcours de l’Euro 2016 et alors que commencent les huitièmes de finale, quelle est votre perception de cette édition 2016 en France ?
Je trouve qu’on s’en sort plutôt bien, étant donné le contexte général morose. Nous avons des grèves à répétition qui plombent le moral des Français er un contexte politique international lourd. Certains chiffres laissent à penser que l’été ne sera pas agréable pour une grande partie de la population : 43 % des Français ne partiront pas en vacances cet été…
Alors même que nous sommes quatre-vingts ans exactement après les congés payés du Front populaire en 1936.
Exactement. C’est un comble ! Il y a aussi ces barbares qui sont à nos portes et veulent détruire notre société. On pouvait craindre que les Français et les Européens préférent rester chez eux. Pourtant, ils sont dans les stades, dans les fan-zones, dans les bars. Et en grand nombre ! C’est certainement dû à la beauté de la compétition, aux très beaux buts, à une dramaturgie qui sied au football. Je trouve donc que l’évènement s’en sort plutôt bien dans ce contexte difficile.
L’Euro est tout de même entâché des actes de violence et de hooliganisme qu’on n’avait plus vus depuis longtemps dans le football. Ne trouvez-vous pas que la fête est un peu gâchée ?
Oui, elle est légèrement gâchée par ces évènements détestables, et profondément tristes. Mais il était difficile de les prévoir. Lorsqu’on organise une compétition d’une telle envergure, il y en a toujours quelques-uns, fort peu fréquentables, qui n’ont qu’une obsession : déclencher la violence. Alors aurait-on pu avoir plus de policiers ? On sait que les forces de police sont déjà très occupées avec l’état d’urgence. Il paraît compliqué de mettre un policier derrière chaque hooligan. Nous nous en sommes plutôt bien sortis, il n’y a pas eu d’effets de foule aux conséquences catastrophiques. Il y a bien sûr eu des blessés graves à Marseille. Mais malgré cette folie passagère de certains qui ne viennent pas pour le football mais seulement pour casser, je pense que nous nous en sommes bien sortis.
Tous les joueurs ont sur leur maillot un logo « Respect » dans le cadre d’une campagne de l’UEFA « No racism ». Pensez-vous aujourd’hui que le foot aide à lutter contre le racisme ?
Ce n’est pas le foot qui aide à lutter contre le racisme. C’est tout simplement le fait de rencontrer l’autre et de découvrir la personne en face de soi, le voisin d’à côté ou bien le supporter qui a fait plusieurs milliers de kilomètres. C’est l’altérité qui permet de casser les barrières et d’améliorer le mieux vivre-ensemble. Le football n’est qu’un instrument, un outil qu’il faut utiliser pour montrer qu’il y a, déjà dans les équipes, différentes strates de couleurs, des personnes qui viennent d’horizons différents, et qui vivent sous le même drapeau. Mais le football en lui-même ne permet pas tout seul de lutter contre le racisme. Le football, c’est comme le nucléaire. On peut en tirer le pire, comme le meilleur.
Vous y croyez encore au Black-Blanc-Beur de 1998 pour désigner l’équipe de France ?
L’équipe black-blanc-beur existe de fait, puisqu’elle regroupe des personnalités sportives de différents horizons, d’Afrique blanche, d’Afrique noire, de France métropolitaine… Personnellement je serai heureux lorsque l’indifférenciation l’emportera, que nous n’aurons plus besoin de parler de Black-Blanc-Beur et qu’on ne parlera que de Français, sans idées préconçues sur l’origine de chacun. Pour l’instant, nous n’y sommes pas encore, d’un côté comme de l’autre. On l’a vu avec les affaires Benzema et Ben Arfa qui ont entraîné des prises de parole de Cantona, Jamel Debbouze. Nous avons encore beaucoup de travail devant nous.
Est-ce que Michel Platini manque à l’Euro 2016 ?
Complètement. Il a joué un rôle décisif pour nous aider à décrocher cette compétition. Je trouve la sanction disproportionnée. Michel Platini a fait une erreur, commis une maladresse. Cela ne méritait pas une telle sanction. Il devrait être dans les gradins, participer à la fête.
Un pronostic pour la finale ?
La France a toutes ses chances d’arriver en finale. L’Espagne aussi, l’Allemagne… Les trois sont dans le groupe de la mort. Bien malin celui qui arrivera à deviner qui sera le vainqueur de cet Euro 2016. Mon pronostic de cœur, c’est la France face à à la Belgique, et un 3-0 pour nous ramener à 1998.
Propos recueillis par Michel Taube