Les médias font souvent référence aux jurisprudences des cours européennes que sont la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui siège à Strasbourg, et la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), installée à Luxembourg. Mais quelle est la portée de leurs jurisprudences, et comment s’articulent-elles avec les décisions des juridictions nationales ?
La CEDH veille au respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Si elle ne peut modifier ou casser une décision nationale, sa jurisprudence marque de son empreinte les futures décisions des juges nationaux. En outre, toute loi nouvelle devra être conforme à la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence de la CEDH. De ce point de vue, elle est la juridiction suprême, puisque les droits de l’homme sont notre valeur commune suprême. En pratique, la suprématie juridique du droit international (européen en l’occurrence) dépend aussi du bon vouloir des États, des rapports de forces conjoncturels, et parfois des circonstances. Mais, sous cette réserve, aucune décision de justice d’un pays signataire de la Convention européenne des droits de l’homme ne peut violer ladite convention et la jurisprudence de la cour de Strasbourg.
La CJUE, quant à elle, juge de l’application des traités de l’Union européenne et des textes qui en découlent, comme les fameuses « directives de Bruxelles ». Elle a elle-même statué que, sous certaines conditions, une directive claire et précise s’appliquait directement, même si elle n’était pas ratifiée par le Parlement, ce qui consacre la suprématie du droit européen sur le droit national. La CJUE rappelle à cet égard la Cour suprême des États-Unis. À l’inverse de la CEDH, la cour de Luxembourg peut modifier ou casser une décision nationale si les voies de recours internes ont été épuisées et si le requérant peut se référer à un texte de l’Union européenne. Quand on sait que près de la moitié des lois françaises sont des lois de transposition du droit européen dans le national, on comprend que les pouvoirs de la CJUE sont loin d’être insignifiants.
Qu’adviendrait-il en cas de divergence des juridictions européennes sur un point précis ? En principe, cette hypothèse ne devrait pas se vérifier, puisqu’elles ne statuent pas sur les mêmes textes. En pratique, le risque ne peut pas être écarté, certains domaines, comme la lutte contre les discriminations, relevant tant des droits de l’homme que des textes de l’UE. Pour éviter, ou du moins réduire, le risque d’imbroglio juridique, l’Union européenne pourrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme, comme tous les États qui la compose. Mais pour l’heure, elle semble surtout préoccupée de sa propre survie.