International
13H41 - mardi 12 juillet 2016

L’édito de Harold Hyman : l’OTAN n’ose pas directement invectiver la Russie

 

Cela fait longtemps que les turbulences dues à la Russie troublent le calme soigneusement entretenu dans ces sommets. Pour cette réunion à Varsovie, dans cette Pologne si méfiante des agissements expansionnistes de la Fédération russe, les mesures à prendre contre cette posture russe ont été explicitées comme jamais auparavant. Ce  n’est pas encore la guerre froide, mais ce n’est plus le malentendu. Les gouvernants présents, dont François Hollande, ont parfois tenté de modérer leur langage mais la pensée y est : ça va profondément mal avec le Kremlin.

Crédit photo : Mailtoanton, Wikimedia Commons

Crédit photo : Mailtoanton, Wikimedia Commons

 
La déclaration finale de 138 points, avait-on vu pareille pléthore? 113 en 2014 au Pays de Galles. En 2012 à Chicago, 65 points. On mentionne la Russie 50 fois. L’Ukraine 28 fois. La réactivation de l’OTAN semble démarrer: instrument de la guerre froide, bouclier contre l’avancée des forces soviétiques. 
Et pourtant, la réalité que chacun ressent, c’est-à-dire le début d’une inimitié avec la Fédération de Russie, est niée de façon si totalement benoîte que cela induit l’effet inverse chez moi. Lisez plutôt cette phrase prononcée en conférence quelques instants AVANT le sommet.
« L’OTAN n’a pas du tout vocation à peser sur les relations que l’Europe doit avoir avec la Russie et pour la France, la Russie n’est pas un adversaire, n’est pas une menace. La Russie est un partenaire qui, c’est vrai, peut parfois, on l’a vu en Ukraine, utiliser la force et nous l’avons condamné lorsqu’il s’est agi de la Crimée ; et nous cherchions encore récemment avec madame Merkel à trouver une solution pour la sortie de la crise en Ukraine. » 
 
On ne peut accuser Paris et Berlin d’avoir pourfendu Moscou pour son aventurisme en Ukraine! Ah cher ami, semblent dire Hollande et Merkel, vous avez enfreint les régles, vous avez brutalisé un vague ami, l’Ukraine, c’est interdit et punissable et pourtant nous négocierons la fin de votre brutalisation, sans chercher plus loin, soyez-en assuré. 
 
Missiles russes sur l’Europe: pas tout à fait inconcevable 
Pensez déjà à un fait curieux: le bouclier antimissile dont parlera François Hollande doit servir à bloquer l’arrivée de missiles balistiques en provenance d’Iran. Ce bouclier est échelonné sur une demi-douzaine de sites en Europe centrale et orientale. Il consiste en plusieurs radars et plusieurs silos de lancement de missiles antimissiles, qui sont de gros cylindres sans aucune charge explosive mais capables de se heurter en vol à des missiles nucléaires. On imagine mal la République islamique d’Iran capable de fabriquer et de lancer de tels missiles, car le programme nucléaire iranien est stoppé depuis la JCAP (Joint Comprehensive Action Plan, Plan d’Action conjoint en français du 14 juillet 2015). 
 
En ce qui concerne des éventuels missiles russes, l’on fait semblant de deux choses: ne pas y voir une menace contre l’Occident, et ne pas voir le bouclier comme capable de stopper une salve d’hypothétiques missiles russes. Cela est deux fois juste. D’abord le Kremlin n’exude point une idéologie de guerre totale, forcément destructrice. Ensuite le bouclier tel qu’il existe  n’est pas  une arme offensive ni même  défensive contre l’arsenal russe, car bien trop petit, mais cela pourrait éventuellement s’agrandir un jour pensent les Russes. 
Le même  président Hollande, après le sommet, reprend l’idée de l’inoffensivité du bouclier anti-missiles:
« … le contrôle politique est absolument nécessaire, et il doit être commun ; cette capacité de défense anti-missiles ne vise qu’à répondre à des menaces hors de la zone Euro-Atlantique. Pour être clair, cette défense anti-missiles ne concerne pas la Russie. La posture de l’Alliance est d’ailleurs strictement défensive. L’OTAN ne se cherche pas d’ennemis, elle n’est pas dans une position agressive. Elle prend les mesures nécessaires à la défense des Alliés, et elle ne menace aucun pays. … C’est pourquoi il était très important que nous puissions aborder ces questions lors d’un prochain conseil OTAN – Russie, qui se tiendra donc après le Sommet. »
 
 
Le ton continue dans la contradiction: l’OTAN plus forte, la Russie mise en garde, l’Ukraine protégée, mais dialogue avec la Russie.
 
Ce qui est clair : on serait en droit de gronder voire apostropher Vladimir Poutine mais on ne veut pas le faire. Dans l’instant présent, l’on se dit que la retenue est la meilleure réponse, et que tout doit rester poli et normal avec la Fédération de Russie.
 
 
Sur les autres dossiers du sommet, les mesures contre Daesh figurent en bonne place, et le rôle accru de l’OTAN pour patrouiller en Méditerranée a été évoquée.  Émerge également une notion de « guerre hybride », qui combinerait l’usage des armes et l’usage de méthodes psychologiques et économiques.  Ainsi internet devient un vecteur de contre-attaque de l’information, puisque le Kremlin voit la presse comme un instrument annexe de la guerre. Les réseaux sociaux, et aussi les hacking, à la fois propagandistes et parfois technologiquement destructeurs, font partie de cette nouvelle guerre. La doctrine de l’OTAN évolue: plus loin que l’article 5 de sa charte, qui instaure la sécurité collective, l’on voudrait que la menace extérieure soit constatée dès les effets de la guerre hybride. Toujours le Kremlin en toile de fond. Je pense que Poutine a compris le message, et que l’on a évité de l’invectiver, mais a-t-il envie d’obtempérer.

 

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