«Autant qu’ils restent chez eux, devant leur télé ! » Après sa médaille d’argent en saut à la perche dans la nuit de lundi à mardi, Renaud Lavillenie était extrêmement remonté contre le public brésilien. Un public qui l’a sifflé lors de ses sauts, pour tenter de le déstabiliser et accroître les chances de médaille d’or du champion national, Thiago Braz. Et à nouveau lors de la cérémonie des médailles, le champion français a été conspué.
Athlètes et public : je t’aime moi non plus ? A l’image de l’athlète français, de nombreux sportifs se sont plaints du comportement du public brésilien durant ces Jeux Olympiques. Un public trop bruyant, trop irrespectueux de l’adversaire… Le recordman du monde de saut à la perche persiste : «Je ne pense pas que ça aurait été la même chose en France. Dans tous les Championnats que j’ai faits, même ceux où c’était l’athlète local que j’affrontais, le public n’a jamais sifflé ses adversaires. C’est juste incroyable. On n’est pas au foot ! »
On n’est pas au foot… Heureusement pour les sportifs concernés ! Car si certains se plaignent des sifflets et du parti pris des spectateurs, mieux vaut pour eux qu’ils ne se retrouvent jamais à concourir devant des supporters de football survoltés. Le public fait partie de la compétition, il veut voir son champion gagner, quoi de plus normal ? La pression des spectateurs est un paramètre de l’épreuve, surtout au Brésil, et les athlètes ont eu des mois pour s’y préparer. S’ils n’ont pas supporté cette ferveur, leur place n’est pas sur la plus haute marche du podium.
Tennis, escrime, judo, athlétisme… Nombreux sont les sports où il a été demandé au public de se taire. Le fait de formuler cette demande est scandaleux et inapproprié. La plus grande manifestation sportive mondiale devrait se dérouler dans un silence de cathédrale pour respecter les caprices de certains sportifs ? « Taisez-vous tous, vous me gênez ! »… Quelle belle illustration de l’esprit olympique ! La plupart du temps, les sports concernés sont éloignés du peuple, soit à cause de leur élitisme, soit car ils n’ont pas ou peu de sens pour le public en termes d’identité et de fierté. Les compétitions se déroulent donc habituellement dans le calme. Mais tout l’intérêt des Jeux Olympiques est que chaque discipline, chaque sportif a l’occasion de porter les couleurs de son pays, et de rendre fiers ses concitoyens. Il est logique que l’engouement soit supérieur, et la pression également.
Bien sûr, il y a des limites à ce comportement, et des excès à condamner. Mais les sifflets et les chants moqueurs ne doivent pas être si violemment critiqués par les athlètes qui ont échoué. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : Renaud Lavillenie a, comme d’autres avant lui, craqué sous la pression. Le public est une excuse, et les sportifs malheureux ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes s’ils ont tremblé à Rio. Les Brésiliens n’y sont pour rien si certaines stars préfèrent une audience aseptisée, endormie et sans ferveur.
Depuis le 5 août dernier, des disciplines sportives habituées à l’indifférence la plus totale sont propulsées sur le devant de la scène internationale. Grâce aux JO. Il faut croire que cette indifférence est bien plus confortable pour certains athlètes, qui en ont même oublié le public. Dur retour à la réalité pour les sportifs déconnectés du peuple au point de lui demander de se taire. Heureusement, certains participants aux JO relèvent le niveau, comme par exemple le légendaire nageur Michael Phelps, qui a déclaré : «Vous pouvez sentir cette ambiance dans l’eau, c’est tellement bruyant. C’est une énergie super». De son côté, le tennisman Novak Djokovic a expliqué avoir pleuré après son élimination car il « ne voulait pas décevoir ce public brésilien qui l’a fait se sentir Brésilien lui-même». Des boxeurs et les handballeurs français, qui sont aussi tombés sur des Brésiliens, ont eu les mêmes commentaires. C’est à ce genre d’attitudes que l’on distingue les grands champions des mauvais perdants.
Timothée Piron