Le numérique révolutionne l’école. Il permet d’imaginer de nouvelles réponses pédagogiques, libère l’enseignement de ses contraintes et donne à la formation professionnelle des perspectives inédites. Le monde éducatif « classique » est-il en voie d’ubérisation ?
Après 16 années passées à la présidence de l’université de Stanford en Californie, John Hennessy ne se lasse pas de répéter que le numérique révolutionne l’éducation. Pour celui qui réussit à hisser cette université à la première place mondiale dans les classements internationaux, les Mooc (Massive open online course, ou cours en ligne ouvert à tous), « flipped classroom » – classes inversées qui consistent à apprendre ses leçons en dehors des cours pour ensuite consacrer le travail en groupes à approfondir des savoirs – ainsi que le recours au big data sont autant de nouveaux moyens qui permettent de personnaliser les enseignements et de favoriser les approches interdisciplinaires.
Pour cet universitaire qui a vu naître sur son campus Google, Instagram, LinkedIn, et Snapshat, son credo est simple : apprendre à apprendre tout au long de sa vie. Dès le plus jeune âge, et pour survivre dans notre monde de plus en plus connecté, place à l’apprentissage de l’adaptabilité permanente en repensant les concepts de connaissance et de transmission.
Mon prof est un Mooc
Au cœur de cette révolution des savoirs, les Mooc (cours massifs en ligne selon l’anglicisme) font figure de stars. Avec ces cours en ligne, le plus souvent gratuits et accessibles au plus grand nombre, il est possible d’apprendre presque toutes les disciplines en se passant de professeurs. En quelques clics, des centaines de cours de prestigieuses universités et d’écoles peuvent permettre d’apprendre, quels que soient les bagages académiques de chacun ou de son rythme d’apprentissage.
Avec les Mooc, le savoir est accessible à tout instant par les élèves qui peuvent répéter à l’infini les notions à apprendre sans se lasser ni désespérer… Parmi les pionniers de cette révolution de l’enseignement, citons Salman Khan qui fonda en 2008, la Khan Academy, une plateforme de Moocs gratuits.
En révolutionnant les façons d’apprendre, les innombrables Mooc peuvent être des formes d’apprentissage complémentaires à « l’école classique », obligeant au passage les systèmes classiques à affirmer leur valeur et à accélérer leurs évolutions. Rien qu’en France, là où l’éducation nationale reste le premier budget de l’Etat (146 milliards d’euros en 2014), la tentation est grande de voir dans le numérique un argument d’économie et ainsi de généraliser les cours dématérialisés à l’instar d’autres pays laissant aux professeurs le un rôle de « vérificateurs » de l’acquisition des savoirs.
Je code donc je suis
Outre les Mooc, l’école du XXIème siècle se devra également d’enseigner une nouvelle forme de grammaire universelle : celle du code informatique. Dès le plus jeune âge, l’apprentissage du codage est à coup sûr l’un des moyens les plus puissants pour comprendre le monde numérique qui nous entoure et ainsi cultiver sa capacité permanente d’apprentissage. Pour se rendre compte de ce nouveau phénomène, il suffit de regarder le succès du site américain Codecademy qui encourage des centaines de milliers d’enfants à apprendre à coder, développant ainsi leurs facultés à affronter le monde moderne.
En France, l’Ecole 42, école informatique financée par Xavier Niel, fait figure de référence. Sur la page d’accueil du site internet, l’ambition est claire : le manque de développeurs ralentit dangereusement les projets de transformation de nos entreprises et freine la création de milliers d’emplois induits. Pour les apprentis codeurs, pas d’examen d’entrée au sens d’une copie à remplir mais un « saut dans la piscine » : 4 semaines, à enchainer, jour et nuit, des exercices de codes pour trouver et former les futurs concepteurs d’un nouveau Facebook ou Google à la française. Dans cette école, pas de professeurs installés devant leurs tableaux noirs. A la place, des rangées de Mac sur lesquels les aspirants codeurs travaillent leurs codes informatiques et se forment grâce aux conseils de leurs congénères. Une sorte d’apprentissage peer-to-peer, communautaire, où chacun apprend en permanence des autres. Ce vivier de codeurs aura prochainement son annexe américaine avec l’Ecole 42, version Silicon Valley, qui devrait ouvrir avant la fin de cette année.
Encore besoin de diplômes ?
Ces nouvelles formes éducatives signeront-elles la mort des diplômes tels que nous les connaissons ? Du fait du numérique, parions que les recruteurs ne se focaliseront plus seulement sur les capacités théoriques des candidats mais également sur de nombreux autres critères tels que les aspirations personnelles, les capacités à travailler en groupe, le leadership… sans oublier la prise en compte des commentaires sur les profils personnels des réseaux sociaux… Bref, tout ce qui concourt à démontrer qu’un candidat est à même « d’apprendre à appendre » tout au long de sa vie.
Dans L’Emile ou de l’Education, Jean-Jacques Rousseau avait déjà dressé le portrait robot de cet élève idéal qui « juge, prévoit, raisonne en tout ce qui se rapporte immédiatement à lui. Ne jase pas, agit ; ne sait pas un mot de ce qui se fait dans le monde ; mais sait fort bien faire ce qui lui convient. »
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