Le Royaume du Maroc accueillera la COP 22 à Marrakech du 7 au 18 novembre prochain. Comment montrer que la mobilisation ne faiblit pas, un an après le succès historique de la COP 21 ? Le ton est donné dès cette semaine par le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki Moon, qui réunit à New York l’ensemble des pays ayant déjà déposé officiellement leurs instruments de ratification de l’Accord de Paris.
Entretien depuis New York avec Abdelâdim Lhafi, commissaire général en charge de l’organisation de la COP 22.
Opinion Internationale : Vous venez d’arriver à New Yok. Vous participerez à la rencontre de haut niveau organisée par Ban Ki Moon mercredi 21 septembre sur le thème de la ratification de l’Accord de Paris. Pouvez-vous nous dire quel est l’enjeu de cette rencontre pour le Maroc ?
Abdelâdim Lhafi : Le processus de ratification suit son cours : après l’adoption par consensus de l’Accord de Paris, la deuxième étape s’est déroulée dans l’enceinte des Nations Unies, ici même à New York, où 175 Etats ont procédé le 22 avril dernier à la signature au même moment de la même convention. Ce fut réellement une prouesse, qui montrait que l’esprit de Paris était encore vivace et qu’il y avait encore beaucoup d’attente. Ensuite, les processus de ratification ont commencé, avec des procédures variant d’un pays à un autre. Le Maroc a fait adopter l’approbation de la ratification de cet accord par les deux Chambres du Parlement et maintenant nous sommes en phase de remettre les instruments de ratification aux Nations Unies. Cet acte permet de nous comptabiliser directement dans la liste des pays qui ont ratifié l’Accord de Paris.
La réunion organisée demain par le Secrétaire général permettra surtout de donner un nouvel élan au processus de ratification, car pour avoir un accord opérationnel il faut respecter un double critère : que 55% des pays signataires ratifient l’accord et qu’ils représentent 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Nous n’en sommes plus très loin, surtout avec la ratification des Etats-Unis et de la Chine qui, à eux deux, représentent près de 40% des émissions de gaz à effet de serre.
La question de la ratification et de la mise en œuvre précoce de l’Accord de Paris fera partie des enjeux clé de Marrakech. N’oublions pas que le protocole de Kyoto avait mis plus de sept ans à être ratifié…
Vous êtes le commissaire général en charge de l’organisation de la COP22, qui se déroulera du 7 au 18 novembre prochains à Marrakech. A quelques semaines de ce grand rendez-vous, vous semble-t-il que la communauté internationale est suffisamment mobilisée et prête à poursuivre l’engagement pour la préservation de notre planète ?
Je pense que c’est un accord qui occupe une place prioritaire dans l’agenda diplomatique international. Si on doit en juger par les diverses rencontres et notamment celle du « climate dialogue de Petersberg » qui s’est tenue début juillet à Berlin, la plupart des pays qui constituent des poids lourds pour ces décisions se sont mobilisés. On sentait un véritable élan sur les points essentiels que sont le financement, l’adaptation, le transfert de technologies, la formation des capacités humaines et institutionnelles et la gestion du risque. Je crois que tout le monde va dans le même sens. Bien entendu ces négociations mettent parfois un certain temps pour aboutir, car les intérêts peuvent être divergents. Mais la Présidence marocaine, avec l’appui du secrétaire exécutif de la convention sur les changements climatiques, joue un rôle de facilitateur pour rapprocher les positions et aboutir sur ces points essentiels.
Il y a un deuxième événement à prendre en compte, c’est la réunion informelle qui s’est tenue les 8 et 9 septembre à Skhirat, pour laquelle nous senti un très bon esprit, et la pré-COP qui aura lieu à Marrakech les 18 et 19 octobre et qui mettra les pays sur la dernière ligne droite avant la grande réunion que sera la COP 22 à Marrakech.
Les pays du Sud ont souvent subi avec plus de brutalité encore les conséquences des émissions de gaz à effet de serre produites dans le monde. Comment se saisissent-ils de cette thématique aujourd’hui ? Y a-t-il selon vous une façon de pratiquer l’écologie spécifique aux pays du Sud ?
Lorsque nous travaillons à travers ces cinq portes d’entrée que sont le financement, l’adaptation, la formation des capacités, la gestion des risques et le transfert de technologies, on détient réellement les clés de cette appropriation pour montrer une solidarité entre le Nord et le Sud. C’est cela qui permet de s’attaquer aux événements extrêmes qui touchent de plein fouet les pays du Sud (inondations, sécheresse…) et leurs effets très négatifs comme la migration écologique et l’impact sur la sécurité alimentaire.
On sait qu’en 2050 la Terre comptera environ 9 milliards de personnes et que les besoins vont augmenter radicalement. Il est vital que les pays du Sud s’approprient l’objectif d’adaptation en trouvant des modèles de développement qui permettent de travailler sur la sécurité alimentaire, la dégradation des sols, la gestion rationnelle des ressources en eau et bien sûr le facteur énergie qui est fondamental dans cette équation.
Les pays africains, puisque la COP se tiendra à Marrakech donc en Afrique, s’approprient cette COP. Le Maroc est porteur d’une grande initiative qui s’appelle le « Triple A » : Adaptation de l’Agriculture en Afrique, qui constitue un élément fondamental vers une plus grande sécurité alimentaire. Nous essayons de fédérer toutes les initiatives et en même temps de développer des modèles transférables. Le Maroc a beaucoup à proposer, notamment en matière de gestion de l’eau dans laquelle la politique marocaine depuis le début des années soixante montre qu’il y a une expertise particulière. Il est important de transférer ce savoir vers les pays du Sud, africains mais aussi vers les autres pays, insulaires notamment car n’oublions pas qu’un ou deux degrés supplémentaires ont déjà sur eux un impact très important. Voilà les actes qui permettent de montrer cette solidarité.
On a beaucoup évoqué les conséquences de l’emprise croissante de la Chine sur les ressources naturelles du continent africain. Est-ce que la décision de la Chine de participer à l’effort global pour la planète vous semble être une occasion tangible de rectifier le tir ?
A partir du moment où le cadrage de cette coopération est fait par rapport à des modèles de développement, à l’accès au financement, à l’acquisition de technologies, toutes les initiatives sont les bienvenues. Probablement que cette émulation entre la Chine, l’Europe et les Etats-Unis est un plus qui permet de donner davantage de force à la lutte contre le changement climatique à travers les Objectifs du Développement Durable, car n’oublions pas que, deux mois avant l’Accord de Paris, les Nations Unies avaient adopté ces 17 objectifs et 169 cibles qui permettent de situer la lutte contre le changement climatique dans le cadre global de la lutte contre les exclusions et les vulnérabilités. Toutes les expressions de solidarité, qu’elles viennent de Chine ou d’ailleurs, sont les bienvenues à partir du moment où elles s’inscrivent dans ce cadre.
Propos recueillis par Charlotte Dammane
Suivez en direct la cérémonie de New York de remise des instruments de ratification de l’Accord de Paris La cérémonie officielle de remise des instruments de ratification des pays signataires de l’Accord de Paris aura lieu au siège des Nations Unies à New York le mercredi 21 septembre à 8h00 (14h00 heure de Paris) et pourra être suivie en direct sur cette page : http://webtv.un.org SAVE THE DATE Aérogare des Invalides – Le Transit Ambassadeur pour la négociation multilatérale de la COP22 Alors que de nombreux Etats ratifient l’Accord de Paris qui nous a redonnés espoir, le Maroc s’apprête à accueillir la COP22 à Marrakech du 7 au 18 novembre, rendez-vous mondial des engagements concrets et de l’adaptation à l’économie verte, tremplin pour les pays les plus vulnérables, en particulier l’Afrique et les Etats insulaires, carrefour de la jeunesse et des solidarités universelles. Débat sur les défis verts du Maroc et la transmission du relai entre Paris et Rabat. Aziz Mekouar sera interrogé par Michel Taube, fondateur, Harold Hyman, rédacteur en chef, et Charlotte Dammane, journaliste d’Opinion Internationale. En présence de Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Maroc en France, Mustapha Bakkoury, président de MASEN (Moroccan Agency for Solar Energy) et du Grand Casablanca, Yazid Chir, co-fondateur de la start-up Be Bound qui connecte à Internet des zones déconnectées via les téléphones mobiles, Romain Nadal, porte-parole du quai d’Orsay, et d’un(e) représentant(e) de Laurence Tubiana, « championne de haut niveau » pour le suivi des engagements de la COP21. En partenariat avec Atlas-info.fr. Réservation obligatoire : [email protected] Mercredi 28 septembre de 18h à 20h
2, rue Robert Esnault-Pelterie 75007 Paris – Métro InvalidesLe Maroc au défi de la COP22
Invité : Aziz Mekouar