En attribuant le prix Nobel de la Paix à un président désavoué par les urnes, le comité prend un posture pro-active. Non content de se borner à récompenser des actes pacificateurs, le comité désigne une personne pour sa propension à engendrer un processus de paix. Ce fut le cas en 2009 pour Barack Obama : le récipiendaire était totalement surpris, et vint chercher son prix avec une humilité teintée de gêne. Qu’avait-il fait de si remarquable en huit mois de mandat ? La réponse du comité fut simple : les statuts du prix permettent d’encourager un personnalité prometteuse à œuvrer pour la paix. Dans le cas d’Obama, l’intention pacifique ne s’est jamais démentie, mais la réalité géopolitique a eu raison de ses intentions. La guerre a déferlé sur ce Moyen-Orient que lui Obama avait souhaité apaiser.
Juan Manuel Santos a également voulu apaiser la Colombie. Cet ancien ministre de la défense fut l’artisan d’une offensive répressive militaire de très grande ampleur contre les FARC, sous la présidence du très répressif Álvaro Uribe. Santos avait donc la légitimité nécessaire pour négocier avec les FARC sans paraître faible. Il gagna la confiance des FARC, mais perdit, certes de justesse, la confiance de la majorité du peuple dans le référendum du 1er octobre 2016 passé.
En repêchant Santos après la défaite référendaire, le comité Nobel montre pleinement son souhait d’influer sur les événements : Santos, auréolé du prix, pourrait entreprendre de sauver son accord de paix par des stratagèmes non-encore définis. C’est sans doute la première fois que le comité a tenté d’influer sur l’histoire en marche.
Était-ce une bonne idée ? Le comité lui-même s’en est expliqué… Certes, le référendum a tourné en défaveur de ce plan de paix particulier, mais cela n’invalide pas les efforts de Juan Manuel Santos, et l’attribution du prix devrait lui fournir le courage nécessaire pour persévérer jusqu’à la paix définitive. Un vœu pieux, car l’infortuné Santos semble avoir été pénalisé par son manque de doute et de modestie avant le référendum. S’il s’était montré plus circonspect lors de l’apposition des parafes une semaine avant la consultation du peuple, ce dernier aurait peut-être apporté son approbation référendaire.
Dans le même style présomptueux, le cadeau du comité Nobel pourrait donc être empoisonné : l’apparence de consensus supra-national, sur le dos des victimes colombiennes, pourrait nuire à la réanimation de l’accord. Il eut été plus judicieux pour le Comité de choisir les Casques blancs en Syrie, ces humanitaires qui extraient les victimes des gravats causés par les bombardements sur Alep par le régime de Bachar al-Assad et l’aviation russe, essentiellement. Cela aurait ressemblé à l’attribution du prix à l’Organisation pour la prohibition des armes chimiques en 2013. En somme, les accomplissements constatés valent mieux que de vagues espoirs. Barack Obama ne s’est d’ailleurs jamais prévalu de son prix, par une modestie présidentielle bien sentie. Choisir un faiseur de paix serait une tâche trop complexe pour le jeu académique d’un comité ?
Harold Hyman