La destruction du patrimoine architectural dans les guerres et les révolutions est un grand drame depuis que les djihadistes ont commencé à détruire des sites protégés par l’UNESCO : les bouddhas de Bamiyan en Aghanistan en 2001, Tombouctou au Mali en 2012, ces actes ont suscité une réaction internationale.
Inédit dans l’histoire, la Cour pénale internationale a condamné en septembre un djihadiste pour destruction culturelle à neuf ans d’emprisonnement.
Et la France et les Émirats arabes unis promettent de créer les 2 et 3 décembre prochain, lors d’un Sommet à Abou Dhabi, un fonds mondial de 100 millions de dollars pour préserver ces sites de futures déprédations volontaires.
Harold à la carte revient sur l’enjeu géopolitco-culturel de la lutte contre Daesh et publie le VERBATIM du discours prononcé par François Hollande le 20 septembre 2016 au Metropolitan Museum de New York, en marge de l’Assemblée Générale des Nations unies.
VERABATIM : discours du président de la République au Metropolitan Museum, le 20 septembre 2016
Je voudrais d’abord remercier le vice-président BIDEN de m’avoir supplée, si je puis dire, avant même que je ne puisse m’exprimer. C’est dire combien nous sommes conscients de ce que fait le gouvernement américain, de ce que vous ici. Nous sommes capables de décider ensemble pour la protection des biens du patrimoine. C’est un enjeu qui aujourd’hui est celui non pas d’une civilisation, mais de l’humanité.
Je voudrais remercier le président du Metropolitan Muséum qui nous offre un cadre exceptionnel pour cette rencontre avec des donateurs, des mécènes, des philanthropes de New York et du monde entier.
Ici dans cette salle, se retrouvent des monuments d’Egypte qui avaient justement été protégés par l’administration américaine à la demande du gouvernement égyptien.
A l’époque c’était la montée du Nil qui menaçait ces œuvres.
Aujourd’hui c’est le terrorisme – celui qui sévit en Syrie, en Irak et dans bon nombre de pays, hélas l’Afrique- qui là encore s’est mis dans l’idée, si tant est que cela puisse être une idée, de détruire les biens de l’humanité.
Lors du G7, avec le président OBAMA, nous étions au Japon, nous avons décidé de lancer une initiative qui puisse permettre au monde entier de participer à la protection du patrimoine.
Les 2 et 3 décembre prochains à Abou Dhabi, la France et les Emirats Arabes Unis, et je salue ici le ministre des Affaires étrangères Cheik Abdallah Zayed, organiserons une grande conférence internationale sur le patrimoine de l’humanité en péril.
Nous allons constituer une coalition mondiale, de bonne volonté. Nous allons fédérer les Etats, des institutions publiques, des partenaires privés, des scientifiques et de grandes organisations non gouvernementales qui travaillent pour la culture ; nous allons donc faire cette alliance pour protéger les biens de l’humanité.
Nous nous appuierons sur les conventions internationales existantes, sur l’UNESCO ; je salue ici sa directrice générale Irina BOKOVA, et nous allons aussi inventer des mécanismes qui s’ajouteront à ceux qui existent déjà.
Nous avons trois priorités : la prévention, empêcher qu’un patrimoine puisse tomber dans des mains qui seraient destructrices ; l’intervention d’urgence, faire en sorte que nous puissions agir pour éviter que des trafics viennent détourner des œuvres ; et enfin la réhabilitation, après que des terroristes aient détruit un certain nombre de monuments, que nous puissions ensemble participer à leur reconstruction.
Comme il existe un droit d’asile pour les personnes, pour pouvoir accueillir des réfugiés qui fuient un pays qui peut mettre en cause leur vie, nous devons aussi organiser un droit d’asile pour les œuvres.
Nous voulons créer un fonds, un fonds mondial de soutien à la sauvegarde du patrimoine culturel avec l’ambition de recueillir 100 millions de dollars.
Ce fonds financera le sauvetage des œuvres et des m onuments, assurera la restauration et la reconstruction des lieux de mémoire et formera des spécialistes, des archéologues, des conservateurs, des historiens pour que nous puissions toujours, garder une trace du patrimoine.
Ce fonds sera de statut privé, il disposera d’une gouvernance qui associera des partenaires publics et privés et il y aura aussi des dispositifs d’incitation fiscale pour que nous puissions avoir le maximum de mécènes qui s’investissent dans cette belle mission.
La France saisira le Conseil de sécurité pour qu’il puisse fixer des normes générales de protection, que des règles puissent s’appliquer dans le cadre des opérations de maintien de la paix, et que nous puissions là encore agir au nom d u droit international.
Voilà l’enjeu du rendez-vous d’Abou Dhabi au début du mois de décembre. Affirmer une volonté, fixer une ambition, engager un processus réversible et participer à la lutte contre le terrorisme, c’est-à-dire de faire en sorte que nous puissions affirmer des choix de civilisation face à la haine et à la destruction.
Nous voulons aussi être dans l’urgence parce qu’il y a péril et nous avons donc, avec le Prince ZAYED, désigné deux représentants personnels qui se déplaceront dans les prochaines semaines partout dans le monde pour convaincre, pour rassembler, pour mobiliser.
S’agissant de la France j’ai nommé Jack LANG, le président de l’Institut du monde arabe, qui a été un ministre de la Culture qui a laissé son nom à tant d’initiatives. Du côté des Emirats, c’est Mohamed KHALIFA Al BOUBARAK, président de l’Autorité du tourisme et de la culture d’Abou Dhabi qui sera le représentant du prince ZAYED.
Ensemble, ils ont vocation à nous permettre de réussir cette conférence d’Abou Dhabi au mois de décembre. C’est une conférence qui a comme mission de protéger l’humanité, c’est-à-dire les liens que nous ont laissé les générations qui nous ont précédés. Et ce que nous avons à faire, c’est de permettre aux générations futures de tout savoir de ce qu’a été l’histoire pour préparer avec davantage de responsabilités l’avenir. Venez donc nombreux à Abou Dhabi au début du mois de décembre, essayez de convaincre tout autour de vous de la force de cette initiative. Ce qui est en cause ce n’est pas simplement de conserver, c’est aussi de bâtir l’humanité telle que nous la voulons. Merci.