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10H11 - vendredi 28 octobre 2016

La maladie extrémiste de l’Islam, expliquée par al-Azhar à l’Assemblée nationale française. Entretien vidéo avec le professeur Oussama Nabil

 

 Ce n’est pas fréquent : des sommités de l’Islam réunies sous les dorures de la République française… Dans une conférence organisée le 24 octobre 2016 à l’Assemblée Nationale, trois professeurs de l’université al-Azhar ont présenté leur lutte contre l’extrémisme religieux. Insistant certes davantage sur l’explication des principes directeurs de leur pensée religieuse que sur leurs recettes pour vaincre, leurs propos méritaient de sortir des murs de l’Assemblée… C’est le désormais célèbre député Jean-Frédéric Poisson, chrétien-démocrate, candidat à la primaire de la droite et aussi Chef de la Mission d’enquête parlementaire sur le financement de Daesh, qui a présidé la séance, et Gérard Bapt, socialiste, qui a clôturé. Monsieur Poisson a d’ailleurs des contacts soutenus avec al-Azhar depuis déjà un an.

 

Rationalité à la al-Azhar 

Le chef de la délégation n’est pas n’importe qui : le cheikh d’Al-Azhar Oussama Nabil, Directeur du Département d’islamologie, est chargé de contrer le discours des extrémistes. Et d’annoncer la couleur :

« Je combats le fanatisme religieux, et les idées erronées… Il faut des sociétés sûres qui respectent la science et les savants. Face au chaos intellectuel, le dialogue et l’interconnaissance sont l’antidote au fanatisme. » Les idées erronées viennent non seulement de Daesh et d’Al-Qaida mais aussi des partis politiques islamistes — les Frères Musulmans que le Cheikh ne nomme pas…

 

 

 

Autre idée de fond : la réflexion d’al-Azhar se fonde sur le courant de pensée acharite. Ce mot n’est pas entré dans le discours habituel analytique sur l’islam. Courant fondé il y a mille an par Achari, membre d’une tribu yéménite du même nom, il paraît important pour une grande raison : l’acharisme est rationnel. De lui découle les écoles juridiques de l’Islam. Sans entrer dans les méandres méconnues des courants de l’islam, soulignons qu’al-Azhar prône la connaissance de ces nuances dans un souci de délégitimer le simplisme de Daesh et d’ al-Qaïda. «Les médias disent que l’Islam permet d’épouser des mineurs, de mépriser les chrétiens et les juifs, et d’autres choses néfastes, c’est malheureux,» et donc faux, insiste le Cheikh.

Et les savants égyptiens de décrypter trois types d’approches de l’Islam : la littéraliste, qui ne cherche pas à comprendre le contexte. Un courant contraire qui veut éliminer toute la tradition. La troisième : l’Islam du juste milieu, celui d’al-Azhar.  Une approche rationnelle des textes, valable pour les chrétiens, juifs, musulmans.

De quoi alimenter une régénération de l’Islam que portent aussi des musulmans de France comme Nader Allouche, organisateur de cette conférence et d’une semblable en 2015. Allouche est candidat-doctorant sous la co-direction d’un professeur d’une université parisienne et du Cheikh Nabil. Son projet de thèse porte sur les réformes arabe et islamique, et il vient de sortir un livre intitulé « Les Arabes : quand ils étaient chrétiens, quand ils ont accueilli l’islam. Le parti Baath. Qui sont-il aujourd’hui ?» à paraître aux éditions du Cerf. Nader Allouche le rappelle, les Arabes ont été chrétiens avant d’être musulmans, et l’imbrication entre les deux religions est ancienne. Ainsi, pour lui, les Chrétiens d’Orient sont davantage des Chrétiens arabes, et l’arabité est un autre force anti-Daesh. 

 

Une voix catholique et une voix critique

Des religieux chrétiens étaient témoins de ce débat, à l’instar du Pape qui a visité al-Azhar en 2000. Monseigneur Michel Dubost, Président du Conseil des Relations Interreligieuses au sein de l’Assemblée des Evêques de France, et principal interlocuteur institutionnel des musulmans dans l’Église catholique française, abonde dans le sens du professeur Nabil : « la principale arme contre l’extrémisme, c’est la culture et l’ouverture », dit l’évêque.

Toutefois, avec la franchise de l’amitié, il a exprimé quelques réserves sur le dialogue inter-religieux actuel :  vous discutez avec les musulmans, car ils sont minoritaires, mais s’ils étaient majoritaires ?  Le statut des Dhimis (les autres peuples du « livre », donc les Chrétiens et les Juifs) pourrait-il enfin disparaître ? Peut-on quitter l’islam, sans le faire en secret ? Questions offertes à l’avenir…

Alexandre Devecchio, responsable du Vox au quotidien Le Figaro, support internet de la page débats, auteur aux éditions du Cerf du livre  « Les nouveaux enfants du siècle », sur la radicalisation des jeunesses en France, signale une forme d’implosion de l’Occident lui-même, passé de l’Empire du Bien à l’Empire du Rien. Pour ces jeunes « schizophrènes », l’Oumma est une nation de substitution. Jihad pour eux est un jeu vidéo devenu réel, nourrissant leur nihilimse et leur sadisme.

 

Islam à la française

Khalil Merroun, Recteur de la mosquée d’Évry-Courcouronnes, s’est lui aussi exprimé sur la réforme de l’Islam. Saluant le recours à la force (coalition internationale contre Daesh, intervention de la France au Mali) autant que le recours à la force intellectuelle qui émane notamment du Maroc dans la formation des imams d’Afrique et d’Europe, le Recteur de l’une des plus grandes mosquées d’Europe rappelle que l’islam est une religion d’ordre : on n’ouvre pas une école sans autorisation. «J’ai soutenu le maire d’Évry dans la fermeture d’une école non-autorisée. » Et de rappeler que les terroristes ne sont pas des diplômés des écoles al-Azhar, Zitouna (Tunisie), Karaouine (Maroc), ou des grandes écoles françaises. « Ce sont des délinquants, et des manipulateurs de jeunes. »

Et Khalil Merroun de conclure à l’unisson des participants : « J’appelle tous les imams et responsables à conduire la guerre contre ces fanatiques qui eux nous ont déclaré la guerre… Les terroristes sont des ennemis d’Allah, ennemis du Créateur, et de l’humanité. Tout musulman ne peut qu’être derrière la République dans la lutte contre le terrorisme. » Il est à espérer que non seulement les musulmans mais tout le monde se demande ce qu’il peut faire sur la base de cet Appel. Al-Azhar est venu nous le dire.

 

Harold Hyman

 

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