International
12H32 - mardi 8 novembre 2016

Etats-Unis : la piètre qualité de la campagne Trump – Clinton marquera l’histoire

 

Les débats classiques d’une campagne ont été escamotés. C’est l’affect qui s’est exprimé puissamment. Promesses creuses, semi-vérités flagrantes, et dénonciations gratuites, ont été le pain quotidien de cette élection, sans oublier l’extravagante entrée en scène du FBI. Une nouvelle formule de campagne a émergé, nommée bassesse, à ne jamais reproduire.

Les employés licenciés du Casino de Trump début novembre 2016

Les employés licenciés du Casino de Trump début novembre 2016

 

Il est presque trop facile de vilipender Donald Trump pour la énième fois. Cependant, il a traîné le système vers le bas: la presse, les opposants, les Républicains, aucun n’a su comment réagir. Car il ne suffit pas de dire que Trump est affreux, ou encore de le traiter avec une neutralité médusée. La démocratie américaine est réputée pour ses « checks and balances », ses « contre-pouvoirs », et on devrait même dire des garde-fous et des contrepoids. Or ils n’ont pas joué. Trump a osé franchir les limites de la bonne tenue constitutionnelle, et la réplique a été mitigée. Le nabab de l’immobilier et de la téléréalité narcissique a fustigé les contrepouvoirs, tout en se présentant comme l’homme anti-système. Les contrepouvoirs sont devenus entre ses mains une manifestation du système. 

Quelques exemples: il a vilipendé les journalistes — « profession la plus malhonnête qui soit », et l’a répété maintes fois dans ses rassemblements. Ces derniers n’ont intenté aucune autre action que de rapporter factuellement que l’homme les vilipendait, puis de commenter mièvrement ce fait. Que dire alors des journalistes qui l’accueillent pour des débats, qui se font accuser de partialité pendant le débat lui-même, sans aucune espèce de réaction collective ? Certes, seuls 6 journaux – contre 200 pour Clinton – ont, au final appelé à voter Trump. Mais c’est le journalisme dans son ensemble qui en sort rapetissé, ce mythique journalisme américain tant vanté de par le monde.

 

Fraude électorale imaginaire

Ensuite Trump accuse les autorités électorales du Nevada de trafiquer les résultats. Le procédé incriminé: le vote anticipé, que les citoyens peuvent exercer  jusqu’à une certaine date avant le jour de l’élection générale. Une queue s’étaient formée devant quelques lieux de vote au Nevada, et les officiers électoraux — généralement bénévoles — ne pouvaient traiter tous les électeurs avant la fermeture du bureau de vote. Les directeurs de bureau ont décidé de prolonger l’horaire, pour faire entrer les gens déjà dans la queue. Ce droit existe dans les règlements électoraux du Nevada… Sauf pour Trump. «Élections truquées ! On vous l’avait dit! » et un cacique républicain dans cet État a estimé que les urnes ont été maintenues ouvertes pour accommoder « un certain groupe », sous entendu les Latinos qui sont très pro-Hillary. Voilà comment naît un mythe délétère.

De l’occultation : très peu a été dit sur la fermeture du Taj Mahal, le méga-casino de Trump à Atlantic City dans le New Jersey. Il y a deux semaines, le fleuron de l’empire des casinos Trump fermait et 3000 emplois ont été perdus. Le « successful businessman » aurait dû être brocardé pour cela… Or rien. Le système se fissure donc davantage : le passé, c’est pour se vanter, mais pourquoi le prendre au sérieux. Si Trump dit qu’il est un businessman richissime de premier plan, il faut le croire et l’admirer. Toujours dans le même  esprit, le procès pour fraude au client, concernant l’Université de l’Immobilier Trump, s’ouvre dans quelques jours. On n’en parle guère. 

 

Ne pas parler du changement climatique

Autre sujet d’occultation: le changement climatique, méga-absent de la campagne. Les conditions des débats présidentiels sont négociées à l’avance, et le moins que l’on puisse, c’est que la question sur le changement climatique n’a pas été retenue ! Hillary aurait marqué des points dans ce dossier. Trump ne voulait probablement pas décevoir ses partisans à qui il a promis la relance du charbon et la réduction des freins à la pollution carbonique; mais si le sujet avait émergé, alors il lui aurait fallu nier de nouveau la réalité du changement climatique. Au final, le mieux était de ne pas en parler.

 

Le FBI comme arbitre de la campagne 

Enfin, l’enquête sur les emails de Hillary Clinton se termine par une espèce de blanc-seing énigmatique et insatisfaisant. L’enquête sur les emails de Clinton secrétaire d’État s’était conclue cet été, alors que l’enquête sur un tout autre personnage, Anthony Weiner, ex-député et ex-mari de la conseillère de Hillary, Huma Abedin, a mené assez logiquement à Hillary. Car il y avait très évidemment une grosse correspondance entre Hillary et Huma Abedin. Le FBI avait annoncé il y a deux semaines que des emails de Hillary se trouvaient dans le bloc des emails liés à Weiner. Voilà que le FBI estime que ces emails ne sont en rien incriminants pour Hillary par rapport à ses devoirs de Secrétaire d’État de 2009 à 2013. Véritablement, le FBI est entré dans l’arène politique, consciemment ou inconsciemment, et sa réputation s’est ternie. Certes, elle est revenue sur ses dires et a blanchi (alors que ce n’est pas son rôle) la candidate démocrate deux jours avant le vote. Car l’agence ne devrait pas être un arbitre dans une élection.

En fin de compte, les institutions et les traditions démocratiques américaines ont été atteintes. Les réparer sera malaisé tant que les protagonistes de cet abaissement seront encore aux manettes. Les Américains entrent dans une longue période de turbulence philosophique et morale — deux mots si difficile à entendre dans la bouche de Trump.

 

Harold Hyman

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