Gilles Berhault, vous êtes le porte-parole de la MedCOP Climat et le président du Club France Développement Durable. La MEDCOP, c’est la COP de la Méditerranée ?
Il s’agit d’un Forum méditerranéen étatique et non étatique qui propose une voix méditerranéenne dans la mobilisation mondiale autour des COP. La démarche de la MedCOP Climat est née d’une proposition lors d’une rencontre de l’UpM (Union Pour la Méditerranée) puis reprise par la région PACA sous présidence de Michel Vauzelle. La COP21, sous présidence de Laurent Fabius, et la COP22 pilotée par nos amis marocains, par leur succès et la dynamique engendrée, lui ont donné un élan décisif.
La MedCOP Climat est un lieu de rencontre et de convergences sous pilotage des régions (tant celles du Nord que du Sud). Tout se passe au croisement de l’économie et des projets territoriaux. Les enjeux sont simples : se rencontrer, se connaitre, travailler ensemble. Nous jouons la carte des multi-acteurs.
Nos axes de travail sont les financements des projets territoriaux, le renforcement de capacités et le pouvoir d’attirer les talents, enfin la question des comportements liés à des modèles et des imaginaires qui doivent dépasser les résistances de l’habitude.
La région Tanger Tétouan El Hoceima va créer une maison du climat à Tanger qui accueillera un secrétariat permanent de la MedCOP Climat pour préparer les prochaines éditions et accompagner les projets. Ilyas Al Omari, Président de la Région, est très mobilisé sur ce projet.
Enfin, la prochaine rencontre de la MedCOP Climat aura lieu à Palerme en Sicile les 12,13 et 14 juillet prochains.
Je suis convaincu du besoin de COP « régionales », ce qu’on promeut au niveau de la MedCOP. Ces rendez-vous permettraient la mise en place de plans régionaux territoriaux en impliquant les collectivités, les entreprises, les ONG mais aussi les chercheurs. Il faut changer d’échelle et mettre en œuvre l’Agenda méditerranéen de l’action pour le climat porté par les 3000 participants de l’édition 2016, et les 200 réseaux et organisations, de 25 pays, qui ont participé à l’organisation.
Quel est votre bilan de la COP22 ?
Ce fut un moment extrêmement intéressant dans sa diversité et sa complexité. Autant Paris marquait la fin d’une époque, autant Marrakech est le début d’une nouvelle ère, mais qui se cherche encore. J’ai regretté que la ratification de l’Accord de Paris n’ait pas eu lieu en ouverture de la COP22, cela aurait eu une portée symbolique de transmission très forte.
Les COP n’ont peut-être pas encore trouvé les bons acteurs pour devenir des COP d’actions. Pour mettre en place les vrais changements de modèle économique et sociétal nécessaire, il faut pouvoir s’appuyer sur des chefs de gouvernements, des ministres en charge de l’économie, de la mobilité, de la construction, de l’éducation ou encore du tourisme, des élus locaux, des chefs d’entreprise, plutôt que sur les seuls diplomates et chefs d’Etat qui ont été présents à Marrakech dans la zone bleue. Il faut absolument que l’OMC et des acteurs de tous les territoires prennent part au débat. Nous ne pouvons plus nous contenter des engagements de pays.
La zone verte réservée à la société civile et aux femmes et aux hommes d’affaires a eu une dynamique incroyable par son ouverture au grand public. Driss El Yazami et ses équipes ont effectué un travail remarquable. Malheureusement il n’y a pas eu assez de liens avec la zone bleue gérée par l’ONU.
En terme de bilan, j’ajoute que les engagements pris vont dans le bon sens, l’agenda de l’action a fait un bond en avant depuis un an. Mais les négociations n’ont pas avancé comme on l’espérait. Certes, l’année 2015 était chargée : outre l’Accord de Paris, c’était aussi l’année des ODD (Objectifs de Développement Durable) dont on n’a pas assez parlé à Marrakech.
Le sentiment de fin d’époque est aussi lié aux changements de dirigeants à la tête de l’organe onusien des COP : la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres, et le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon s’en vont.
Enfin, entre la MEDCOP de juillet à Tanger et l’ouverture du Sommet de Marrakech, de nombreuses décisions ont été prises par le Maroc qui s’est imposé comme accélérateur de la mobilisation générale pour le climat, en Afrique et au-delà. La présidence de la COP dure un an donc le Maroc peut encore agir. Le Maroc va avoir la responsabilité d’assurer le suivi des décisions prises. Hakima El Haïté, Championne pour le Climat, devrait avoir un rôle important ainsi bien que le président de la COP22, Salaheddine Mezouar. Sa tâche va être d’accélérer les questions des financements, de renforcer les INDCs (contributions nationales). Nous sommes sur une trajectoire à 3.2, 3.3. . La situation va donc de pire en pire.
Revenons à la MedCOP Climat. Existe-t-il un esprit méditerranéen pour faciliter le développement durable ?
Il existe une culture méditerranéenne d’attachement à la biodiversité dont le symbole est l’olivier pour des raisons spirituelles, culturelles mais aussi culinaires. Une culture de la diversité dont Amin Maalouf est le plus grand porteur. Malgré les problèmes géopolitiques, il y a dans les pays méditerranéens une habitude de cohabitation des religions, une richesse philosophique. Cette région a une vraie richesse culturelle et elle trouve dans l’environnement des vecteurs de partage et de paix.
Les crises en Méditerranée sont majeures, avec le problème migratoire dont on parlera beaucoup en Sicile en juillet prochain. Mais derrière ce problème, il y a la question du climat qui peut rassembler tous les acteurs, par de-là leurs divergences. Face à la montée des eaux, alors que beaucoup de Méditerranéens vivent sur le littoral, l’union peut se faire. Il y avait des acteurs de tous les pays lors de la MedCOP Climat de juillet et il y en aura aussi à Palerme. LE succès de la MedCOP est dans sa capacité à faire coopérer le plus largement possible.
Propos recueillis par Michel Taube