Demain s’ouvre à Abou Dhabi, à quelque semaines de l’ouverture du Louvre sur place, une conférence internationale organisée par la France et les Emirats arabes unis, initiative prise initialement lors du G7 au Japon avec le Président Obama, destinée à créer un « fonds international dédié à la protection du patrimoine en danger dans les zones en conflit ».
Ce fonds sera doté, espèrent les organisateurs, de 100 millions d’€ grâce aux contributions d’Etats (on parle de la France, de la Fédération des 7 Emirats arabes unis, de la Chine, du Japon et de la Corée du sud) et de Fondations privées. La France devrait abonder 30 millions d’€ dès le mois de décembre.
L’occupation de territoires entiers (Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Mali…) a permis à des organisations terroristes islamistes de détruire massivement des biens culturels ancestraux. On se souvient tous de la destruction des deux bouddhas géants de Bamiyan en Afghanistan par les talibans en 2001 et du sauvetage partiel des manuscrits de Tombouctou au Mali en 2013 grâce à de bonnes âmes sur place.
Comme l’avait annoncé dès septembre à New York le président de la République française : « nous avons trois priorités : la prévention, empêcher qu’un patrimoine puisse tomber dans des mains qui seraient destructrices ; l’intervention d’urgence, faire en sorte que nous puissions agir pour éviter que des trafics viennent détourner des œuvres ; et enfin la réhabilitation, après que des terroristes aient détruit un certain nombre de monuments, que nous puissions ensemble participer à leur reconstruction. » Et François Hollande de conclure : « Comme il existe un droit d’asile pour les personnes, pour pouvoir accueillir des réfugiés qui fuient un pays qui peut mettre en cause leur vie, nous devons aussi organiser un droit d’asile pour les œuvres. »
A la veille de cette Conférence, Helen Johnson Sirleaf, Présidente du Libéria, Prix Nobel de la Paix 2011, Aung San Suu Kyi, conseillère d’Etat et ministre des affaires étrangères de Birmanie, Prix Nobel de la Paix en 1991, Kofi Annan, Prix Nobel de la Paix en 2001, Orhan Pamuk, écrivain, Prix Nobel de littérature en 2006 et Mario Vargas Llosa, écrivain, prix Nobel de littérature en 2010, ont publié, dans Le Parisien, une Lettre ouverte :
« Nous lançons aujourd’hui un appel à la prise de conscience de la communauté internationale. Nous demandons aux gouvernements, à l’Unesco et à la société civile de se mobiliser pour protéger et sauvegarder le patrimoine culturel de l’humanité : parce qu’il est ce qui nous unit par-delà les continents. Parce qu’y porter atteinte, c’est menacer gravement la paix et à la sécurité internationales. Et parce que sans mémoire, il n’y a ni rêve ni horizon communs possibles. »
Le pape François a délivré hier un message de soutien à la conférence qui s’ouvre à Abou Dhabi.
Il n’y a pas que les diplomates et quelques prix Nobel qui se mobilisent. La justice internationale commence à poursuivre également les auteurs de crimes contre les biens culturels. Harold Hyman, chroniqueur d’Opinion Internationale et grand reporter, y a consacré récemment un « Harold à la carte ».
On se souvient que le 27 septembre, la Cour pénale internationale (CPI) a condamné à neuf ans de prison Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi, accusé de crime de guerre pour avoir détruit des biens culturels classés au patrimoine mondial de l’UNESCO au Mali : comme chargé de la police des mœurs à Tombouctou entre avril et septembre 2012, il avait dirigé intentionnellement une attaque contre des mausolées et avait détruit à la hache la porte d’une mosquée entre le 30 juin et le 11 juillet 2012. L’acte d’accusation portait sur la destruction de dix bâtiments religieux.
Manifestement, il n’y a plus d’impunité pour les criminels qui s’en prennent au patrimoine culturel de l’humanité.
Michel Taube