Bernard Cohen-Hadad est le président de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises) de Paris Ile de France. Il est aussi un entrepreneur engagé, inspiré par Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris au XIVème siècle. Ce dernier a donné son nom à deux prix décernés chaque année à des entrepreneurs responsables par un jury prestigieux réuni autour de Bernard Cohen-Hadad.
« L’entrepreneuriat responsable est l’avenir des TPE et PME»
Opinion Internationale : Pourquoi un Prix Etienne Marcel ?
Bernard Cohen-Hadad : Ce prix a été créé en 2010 pour mieux valoriser les entreprises impliquées dans la vie du territoire, ce qui n’était guère le cas jusqu’alors. Chacun existait et travaillait d’un côté du Rubicon, sans pont ni passerelle vers l’autre. Seules les grandes entreprises avaient – parfois – un certain ancrage sociétal dans les territoires.
Paradoxalement, avec le développement du numérique, la mondialisation et également la crise de 2008, les PME ont pris conscience, notamment à travers la formation de leurs dirigeants, qu’elles devaient s’impliquer davantage dans la vie de la cité et dans leur territoire.
Nous avons souhaité valoriser ces initiatives originairement locales, de proximité, mais dont l’influence et le retentissement sont parfois nationales, européennes voire mondiales.
Nous avons aussi remarqué qu’afin que les TPE et les PME puissent promouvoir l’entreprenariat responsable, elles doivent pouvoir s’appuyer sur des partenaires qui peuvent être des institutionnels, des journalistes, des religieux, des fonctionnaires… Cette mixité sociétale permet d’ouvrir un vrai débat, sans postulat, sans a priori, dans le respect des parcours respectifs, mais avec en ligne de mire le progrès, le développement de la richesse locale, le bien-être. Le Prix Etienne Marcel réunit cette diversité d’acteurs ouverts autour de chefs d’entreprise patrimoniaux, talentueux sur le plan sociétal.
On retrouve cette diversité dans la composition du Jury du Prix Etienne Marcel ?
En effet, et je salue le jury, au sein duquel règne une ambiance de complicité, de respect, et même d’amitié. Les membres proviennent d’univers extrêmement divers, c’est ce qui fait cette richesse. Et cette complicité sur le projet commun s’est nouée au fil des années, au fil de l’évolution du jury, des départs et des arrivées de nouveaux membres. Et on est très loin du parisianisme.
Et quels types d’entreprises sont primés ?
L’évolution des lauréats reflète celle du jury, tant en ce qui concerne les personnalités que les entreprises récompensées. Déterminer les lauréats est toujours délicat, mais les plus beaux projets traduisent d’abord un parcours qui n’est pas uniquement une réussite financière. Ce qui fait notamment la beauté des lauréats des deux dernières années, c’est cette maturité nouvelle des entrepreneurs avec des projets RSE intuitifs mais aussi structurés. Des projets qui ne sont pas fondés sur l’apparence. Ils mériteraient une visibilité bien supérieure à celle dont ils jouissent.
Le prix Etienne Marcel est une reconnaissance annuelle ?
En fait, deux prix sont attribués chaque année : le prix Etienne Marcel récompense les PME patrimoniales qui ne sont pas des filiales de grands groupes. Les « patrons », des hommes ou des femmes, qui se sont illustrés sur le plan de l’emploi, de l’égalité des chances, de la responsabilité sociale, du développement durable et des territoires. Toutes les TPE et PME sont concernées, de zéro à deux cent cinquante salariés.
Et quel est le second prix ?
Il s’agit du prix Etienne Marcel d’Honneur, créé ultérieurement, qui récompense non pas des entreprises mais des personnalités qui, au cours de leur carrière, ont aidé des entreprises au sein des territoires, alors que rien ne les prédestinait à ce type d’action. Les PME n’étaient pas à priori leur formation ou leur vocation, ni le projet immédiat de leur organisation. Ils ne sont pas forcément issus du monde des PME mais Il peut s’agir de personnalités économiques ou du monde de l’entreprise.
Qu’est-ce que l’entrepreunariat responsable ?
C’est un concept parfois caricaturé que l’on voudrait résumer par des cases que l’on coche sur une grille. François Asselin, le Président de la CPME Nationale, et qui est un entrepreneur engagé, l’a bien compris. La RSE consiste à s’interroger sur l’intégration sociétale de l’entreprise : que peut-elle apporter de positif à son environnement et comment doit-elle s’y prendre ? C’est un concept global que l’on ne peut pas réduire à des normes ou à des règles complexes. Bien au contraire, il faut cesser cette course à la norme, à l’hyper-réglementation. L’entrepreneur responsable pour être vecteur de progrès a besoin de libertés. Non seulement pour son projet entrepreneurial, mais aussi car il est attentif au bien-être de ses salariés, à son environnement, ses fournisseurs, à la qualité de sa relation client. Ce n’est pas non plus un concept purement intellectuel. C’est avant tout un projet pratique, fondé sur le vécu, un vrai projet d’engagement qui laisse la lutte des classes au musée.
Les TPE et les PME sont-elles l’avenir de l’économie française ?
Nous sommes malheureusement confrontés à un obstacle très français : le terme PME, en lui-même, a une dimension péjorative, aux effets parfois ravageurs. En France, on n’aime pas ce qui est petit. On chérit ce qui est grand, immense et qui illumine le monde… Une partie de notre classe politique alimente, parfois et hélas, ce travers. Bien que les petites et moyennes entreprises représentent 76% de l’emploi en France, elles sont encore regardées avec indifférence, pour ne pas dire avec mépris. C’est pourtant cette mosaïque des talents et des savoir-faire qui fait la richesse de notre économie. Arrêtons de croire que tout ce qui est grand est une réussite ! Ce qui est petit peut être extrêmement riche, porteur d’avenir, de satisfactions et d’intelligence. C’est précisément cela que nous voulons montrer au travers de notre engagement commun.
Propos recueillis par Michel Taube
Les prix Etienne Marcel 2017 seront remis le 28 juin 2017
Lien utile : www.prix-etienne-marcel.com